Découvrezdans cet article la solution de la définition Chapeau de paille porté au temps des guinguettes. . Solution de jeux mobile. Chapeau de paille porté au temps des guinguettes - Word Lanes. Word Lanes est un jeu dans lequel vous devez deviner, dans chaque niveau, plusieurs mots à partir d'une définition. Chaque niveau possÚde plusieurs mots à
- Le journal - Le journal Mode Histoire du chapeau de paille des paysans jusqu’aux podiums de mode Accessoire indispensable de l’étĂ©, le chapeau de paille apporte une touche de style et d’élĂ©gance Ă  n’importe quelle tenue. Avant de devenir un accessoire de mode, sa fonction, purement utilitaire, Ă©tait de protĂ©ger du soleil. CanopĂ©a vous invite Ă  dĂ©couvrir l’histoire du chapeau de paille, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours. Le chapeau de paille pour protĂ©ger les paysans Au Moyen Âge, le chapeau de paille fait partie intĂ©grante de l’équipement des paysans, hommes et femmes, qui le portent pour se protĂ©ger du soleil, pendant les longues heures passĂ©es Ă  travailler dans les champs. Leurs chapeaux sont Ă  larges bords, et tressĂ©s avec de la paille ou du roseau. Le chapeau de paille et l’Italie Il faut attendre le XVIe siĂšcle et la Renaissance pour que le chapeau de paille change de statut et devienne l’accessoire de mode des dames de la noblesse. En Italie, en Toscane, dans les villes de Florence, Fiesole et Signa, on voit apparaĂźtre de nouvelles activitĂ©s commerciales et artisanales autour de la paille. Le commerce de la paille et la fabrication de chapeaux font vivre des milliers de personnes. Les dames de haut rang personnalisent leur chapeau en l’accessoirisant de feuilles, de fleurs et de rubans. L’engouement pour ce nouvel accessoire est tel, que la mode du chapeau de paille traverse les ocĂ©ans pour se dĂ©velopper jusqu’aux Etats-Unis. Le chapeau de paille en France En France, au XIXe siĂšcle, le chapeau de paille sĂ©duit la bourgeoisie. Le chapeau de jardin devient l’accessoire indispensable de toute femme Ă©lĂ©gante, non seulement pour ses promenades au jardin, mais aussi lors de soirĂ©es mondaines. Rien n’est trop beau pour accessoiriser cet Ă©lĂ©ment soulignant le rang et la fortune de celle qui le porte. Fleurs, feuilles et tissus l’agrĂ©mentent pour lui donner un caractĂšre unique. Le chapeau de paille plaĂźt tellement qu’il inspire un des plus cĂ©lĂšbres auteurs de vaudeville de l’époque. En 1851, EugĂšne Labiche choisit d’en faire un Ă©lĂ©ment central de sa piĂšce Un Chapeau de paille d’Italie, dans laquelle l’accessoire, dĂ©vorĂ© par un cheval, est le point de dĂ©part d’une sĂ©rie de quiproquos amoureux dont l’auteur est spĂ©cialiste. Le chapeau de paille et les artistes DĂšs 1782, Élisabeth VigĂ©e Le Brun se reprĂ©sente coiffĂ©e d’un chapeau de paille dans un tableau sobrement intitulĂ© Autoportrait au chapeau de paille. Il faut attendre le XIXe siĂšcle pour que le chapeau de paille devienne un accessoire entrant dans la composition de nombreux tableaux. On le retrouve chez CĂ©zanne L’Homme au chapeau de paille et L’Enfant au chapeau de paille et dans une sĂ©rie d’autoportraits de Vincent Van Gogh. Le chapeau de paille intĂšgre de nombreuses scĂšnes champĂȘtres des Impressionnistes chez Auguste Renoir Le dĂ©jeuner des canotiers, Les canotiers Ă  Chatou, Bal du moulin de la galette, La balançoire, La grenouillĂšre, entre autres. Gustave Caillebotte semble lui aussi beaucoup apprĂ©cier l’accessoire, dont il coiffe bon nombre de ses personnages, tant fĂ©minins que masculins Le parc de la propriĂ©tĂ© Caillebotte Ă  Yerres, Les jardiniers, PĂȘche Ă  la ligne, Les orangers, PĂ©rissoires sur l’HyĂšres. Chez Edgar Degas, on le retrouve comme emblĂšme de La Modiste. L’univers des Impressionnistes, c’est aussi l’ambiance des bords de Marne, des guinguettes et des
 canotiers, un univers propre au Paris de la fin du XIXe siĂšcle. Les canotiers, une place Ă  part dans l’univers du chapeau de paille A Paris, au XIXe siĂšcle, les canotiers ne sont pas encore les chapeaux que l’on connaĂźt, mais les hommes qui manƓuvrent les canots Ă  voile sur la Seine. Ils portent un chapeau de paille, Ă  bords et fond plats ornĂ© d’un large galon, empruntĂ© Ă  la tenue des marins, et auquel ils vont donner leur nom. Le canotier d’abord portĂ© par des hommes, est ensuite dĂ©clinĂ© dans des versions fĂ©minines. Ce sont les sportives qui se l’approprient les premiĂšres, pour la pratique de la chasse, du cyclisme et de l’équitation. Issu de l’univers masculin, et dĂ©barrassĂ© de toutes les fioritures qui ornaient les chapeaux de femmes, le canotier a tout pour plaire Ă  Gabrielle Chanel. Elle en fait l’emblĂšme de sa nouvelle silhouette fĂ©minine, au dĂ©but du XXe siĂšcle. Le canotier devient par la suite un signe de reconnaissance pour des artistes de music-hall comme Maurice Chevalier ou Fred Astaire. Simon Porte Jacquemus et ses chapeaux de paille Tout cela nous amĂšne doucement jusqu’à l’univers de la mode actuelle, et particuliĂšrement celle du crĂ©ateur français Simon Porte Jacquemus. Il affiche un goĂ»t marquĂ© pour le chapeau de paille et l’intĂšgre largement Ă  ses collections. Son premier modĂšle est apparu dans la collection Printemps-Ă©tĂ© 2017, un modĂšle plat et large ornĂ© d’un galon, qui n’est pas sans rappeler les chapeaux provençaux, rĂ©gion d’origine du couturier. Deux saisons plus tard, la collection Printemps-Ă©tĂ© 2018 dĂ©voile un chapeau de paille aux dimensions extraordinaires, une trĂšs grande capeline, qui recouvre la tĂȘte et les Ă©paules. Du jamais vu. Un tel chapeau ne peut que susciter l’intĂ©rĂȘt des fashionistas. Il devient en peu de temps un accessoire trĂšs recherchĂ© des futures mariĂ©es, en remplacement du voile traditionnel. On le croyait relĂ©guĂ© aux vitrines des musĂ©es, et voici que le chapeau de paille revient en force auprĂšs des Ă©lĂ©gantes de ce dĂ©but de XXIe siĂšcle. Chapeau bas !
UtilitĂ©du chapeau de paille pour homme et les vĂȘtements avec lesquels l’associer. Comme dit prĂ©cĂ©demment, les larges bordures du chapeau de paille pour homme dits classiques Ă©taient surtout utiles aux personnes travaillant dans les champs, les vignes ou tout autre site trĂšs soumis au soleil. Devenu un accessoire de mode portĂ© par de Attention, rĂ©daction en cours de rĂ©vision. Chantier ouvert le 31 octobre. 2017. Finalisation trĂšs prochaine, en janvier 2019. Image 1. DĂ©part du cortĂšge de la Descente vu par CĂ©lestin Nanteuil, 1842. MusĂ©e Carnavalet On ne visite jamais assez le musĂ©e Carnavalet, qui n’est pas appelĂ© pour rien musĂ©e de l’Histoire de Paris. On y prend connaissance d’une foule de visages et de paysages peu connus ou carrĂ©ment ignorĂ©s de la capitale et de ses entours Ă  diffĂ©rentes Ă©poques. Entre autres perles, il y a pour nous, dans le salon Vert du musĂ©e de la rue des Francs-Bourgeois Paris 3e, au premier Ă©tage, au sein de la partie consacrĂ©e aux annĂ©es courant entre les deux empires, une huile sur toile majestueuse du peintre CĂ©lestin Nanteuil, datĂ©e de 1842 et titrĂ©e La Descente de la Courtille [1]. Au plan artistique, tout d’abord, l’Ɠuvre a bien sĂ»r des mĂ©rites mais, pour l’historien, elle est estimable Ă  deux autres Ă©gards. PremiĂšrement, le tableau offre une vue de l’entrĂ©e de l’ex-commune indĂ©pendante de Belleville [2] Ă  partir de la barriĂšre d’octroi – de douane, dit autrement –, bien visible au premier plan de la peinture. C’est Ă  peu prĂšs la seule et en tout cas la meilleure image que nous possĂ©dons de l’endroit en 1842 ; un bonheur documentaire on voit que la construction immobiliĂšre est dĂ©jĂ  trĂšs serrĂ©e, Ă  tel point mĂȘme que nous avons peine Ă  discerner des vestiges de ces guinguettes qui firent la gloire de la place dans les dĂ©cennies antĂ©rieures. Luxe de prĂ©cision rĂ©aliste, Nanteuil a reproduit, sur la tranche aveugle du premier immeuble, Ă  droite, l’inscription publicitaire de l’établissement Mazure, passementerie, qui, en effet, dans les annĂ©es 1835-1860, ouvrait ses portes au rez-de-chaussĂ©e du 4, rue de Belleville. L’autre intĂ©rĂȘt, documentaire aussi mais d’une façon diffĂ©rente, tient naturellement Ă  la scĂšne de vie figurĂ©e au centre de la toile. À n’en pas douter, il s’agit d’un dĂ©filĂ© de carnaval. Nous avons lĂ  le tĂ©moignage du tout dĂ©but du dĂ©roulement d’un Ă©vĂšnement considĂ©rable qui, de 1830 Ă  1860, en gros, va chaque annĂ©e marquer le calendrier des festivitĂ©s du Paris romantique. De toutes les manifestations carnavalesques, celle qui s’inaugurait ainsi Ă  la porte de Belleville reprĂ©sentait, plus encore que le dĂ©filĂ© multisĂ©culaire du BƓuf gras, le sommet, l’apothĂ©ose, et la toute derniĂšre en mĂȘme temps, faisant quasiment office de cĂ©rĂ©monie de clĂŽture. Elle a donnĂ© le titre du tableau de CĂ©lestin Nanteuil voir image 1. De cette circonstance vraiment extraordinaire, il subsiste de nos jours un spectre, une aura, une onde de lĂ©gende mais elle a constituĂ© une page d’histoire populaire rĂ©elle qu’il est avantageux de retracer. LĂ©gende de la vignette de l’onglet d’accueil La Courtille au matin du mercredi des Cendres. Dessin de Salesinger gravĂ© par Lacoste aĂźnĂ© pour le livre Les Rues de Paris
 »*, Louis Lurine, 1843. Avertissements Dans le corps du texte, l’astĂ©risque qui suit certains titres de livres ou noms d’auteurs renvoie Ă  la liste bibliographique de la fin de l’article. La rĂ©daction de l’article reprend, remaniĂ©es, des parties du texte d’appui d’une confĂ©rence prononcĂ©e en 2004 pour l’association Histoire et Vies du 10e et publiĂ© dans son bulletin n° 2. Les informations ont Ă©tĂ© augmentĂ©es, corrigĂ©es ou prĂ©cisĂ©es. L’écho suivant au loin la descente de la Courtille aprĂšs son extinction a faibli en mĂȘme temps que diminuait l’attrait du carnaval Ă  Paris. Dans la capitale, les dĂ©filĂ©s, entrĂ©s en dĂ©clin dĂšs la fin du XIXe siĂšcle, y ont pratiquement disparu entre les deux guerres mondiales [3]. Sous la Restauration puis la monarchie de Juillet, au contraire, les vieilles traditions de carnaval jouissaient d’une ferveur soutenue. La descente de la Courtille – la Descente – Ă©tait une mascarade tapageuse, excessive, caricaturale, grotesque, hĂ©naurme » en un mot, qui portait les libĂ©ralitĂ©s habituellement associĂ©es au carnaval Ă  un point de licence extrĂȘme. En dĂ©pit de l’opprobre jetĂ© par la sociĂ©tĂ© bien-pensante, des foules de Parisiens l’attendaient chaque annĂ©e, s’y prĂ©paraient longtemps Ă  l’avance et, quand l’heure Ă©tait arrivĂ©e, en vivaient intensĂ©ment les instants [4]. Un hĂ©ritage paĂŻen Afin de bien mettre Ă  l’esprit ce que reprĂ©sentait ce bouillonnement populaire, il n’est sans doute pas vain, au risque prĂšs d’un discours professoral un tantinet ennuyeux, d’opĂ©rer un rapide rappel culturel. Le principe de base qui guide le carnaval revient Ă  la tolĂ©rance pendant un temps dĂ©limitĂ© d’une certaine transgression des rĂšgles qui, le reste de l’annĂ©e, rĂ©gissent l’ordre social. Un tel principe est aussi vieux que les sociĂ©tĂ©s structurĂ©es, oĂč il fonctionne comme une soupape sanitaire, un moyen de canaliser et de dĂ©charger les griefs accumulĂ©s par les classes dominĂ©es contre les hiĂ©rarchies. Les Romains, dans l’AntiquitĂ©, l’observaient notamment Ă  l’occasion des fĂȘtes dites saturnales, durant lesquelles le rapport des maĂźtres et des esclaves, voire celui des enfants aux parents ou des femmes aux hommes, Ă©tait renversĂ©, au moins parodiquement. Dans la civilisation chrĂ©tienne, l’Église a repris ce principe. Au Moyen Age, la fĂȘte de l’Ane, par exemple, permettait de moquer le clergĂ© pendant une journĂ©e en promenant un baudet revĂȘtu d’attributs sacerdotaux. Du mĂȘme esprit procĂ©dait la procession du Renard, trĂšs suivie Ă  Paris, ou encore, de tradition moins ancienne, le cortĂšge de la Reine des blanchisseuses [5]. Ces heures de licence, ces manifestations carnavalesques, se rĂ©partissaient sur toute l’annĂ©e mais se trouvaient particuliĂšrement concentrĂ©es dans la pĂ©riode des six Ă  huit semaines qui succĂšdent Ă  l’Epiphanie au sein du calendrier liturgique catholique et Ă  laquelle on donna proprement la dĂ©signation de temps de carnaval. Ce temps prĂ©cĂ©dait les quarante jours de restriction alimentaire - on dit carĂȘme - censĂ©s purifier les corps et prĂ©parer l’ñme des croyants aux pĂąques. Le ramadan chrĂ©tien, en quelque sorte [6]. Le mot carnaval », d’origine italienne probable carnevale, est Ă©tymologiquement liĂ© Ă  la libertĂ© de consommer grassement de la viande carne en bas latin. Attelage de carnaval, 1810. Aquatinte de Philippe-Louis Debucourt. Cet artiste rĂ©sida au village de Belleville, oĂč il dĂ©cĂ©da. De formes multiples jusqu’au XVIe siĂšcle, les dĂ©filĂ©s de carnaval se codifiĂšrent ensuite petit Ă  petit. La dimension corso », avec chars porteurs de dĂ©corations et d’animations Ă  thĂšme, les confettis
, s’est dĂ©veloppĂ©e au XVIIIe siĂšcle. Le carnaval de Venise, qui fonctionne encore, a longtemps Ă©tĂ© le grand modĂšle avec ses bals extraordinaires mais celui de Rio de Janeiro est aujourd’hui la rĂ©fĂ©rence la plus universelle. Il vaut de noter que, historiquement parlant, la consĂ©cration de ces processions a beaucoup plus Ă©tĂ© le fait de la classe aristocratique que celui du petit peuple. C’est sans doute la raison pour laquelle, en France, le jacobinisme de la RĂ©volution travaillera Ă  les interdire ou, du moins, Ă  en entraver le dĂ©roulement ; les festivitĂ©s, bien qu’encadrĂ©es par des rĂšglements policiers, reprirent pleinement dĂšs le Consulat, rencontrant un nouvel apogĂ©e sous les Restaurations. Image 2. Ambiance de carnaval sur le boulevard du Crime vers 1832, image du film Les Enfants du paradis », de Marcel CarnĂ© scĂ©nario de Jacques PrĂ©vert. © CinĂ©mathĂšque française Le film de l’évĂšnement [7] La Descente, pour revenir Ă  notre carnaval de Paris, avait lieu chaque annĂ©e au jour fixe du mercredi des Cendres dont l’occurrence, selon les ans, varie entre la mi-fĂ©vrier et le tout dĂ©but de mars. Elle intervenait au terme des trois jours particuliĂšrement gras – dont le fameux mardi – qui achevaient en force la pĂ©riode permissive d’avant carĂȘme. Elle mordait mĂȘme sur ce temps de restriction alimentaire. Commençant vers 7 h 30, le matin, elle se dĂ©roulait, pour l’essentiel, entre le point de jonction de nos actuels boulevards de la Villette et de Belleville, oĂč se trouvait autrefois la barriĂšre d’octroi de Belleville, celle mĂȘme que Nanteuil, on l’a vu, a peinte [8], et le canal Saint-Martin. La descente en question Ă©tait donc proprement celle de la rue du Faubourg-du-Temple aux confins de nos deux arrondissements modernes du 10e et du 11e [9]. La manifestation carnavalesque trouvait son terme au faubourg du Temple – prolongement du quartier parisien Ă©ponyme — aprĂšs avoir traversĂ© la partie occidentale basse de l’ancienne paroisse de Belleville. Une grande zone que les paysans autochtones, dĂšs le Moyen Age, appelĂšrent Courtille et que l’érection du mur de l’octroi, peu avant la RĂ©volution, dĂ©coupa en deux [10]. Nous verrons plus loin pourquoi un tel théùtre d’action avait Ă©tĂ© choisi par les carnavaliers et comment le phĂ©nomĂšne de la Descente s’est formĂ©. Pour l’heure, entrons sans plus attendre dans le vif de l’évĂšnement. Voici la relation que fait de l’édition 1833 de la Descente Auguste Luchet*, belle plume de chroniqueur au Temps, au Petit Journal et au SiĂšcle, trois grands journaux nationaux de l’époque. Et n’oublions pas, en dĂ©couvrant le tableau dĂ©peint, que la scĂšne initiale de la Descente se dĂ©roule aux heures encore nocturnes d’un matin d’hiver. Cette annĂ©e-lĂ , de plus, il pleuvait Ă  verse » le mercredi des Cendres [11] Depuis le dimanche gras, Ă©crit donc notre journaliste, le Grand Saint-Martin [12] ne dĂ©semplissait pas. [
] LĂ  voilĂ  enfin, cette descente de la Courtille ! Elle vient ! elle vient, avec toutes ses folies, avec son infini cortĂšge de masques pĂąles et bleus de la nuit, avec ses 2 000 voitures Ă  la file, avec ses 100 000 spectateurs [13] qui la regardent Ă©bahis et riants, en faisant la tortue de leurs parapluies qui dĂ©gouttent les uns sur les autres. Voici la belle voiture de lord Seymour [
], avec ses six chevaux anglais aux crins nattĂ©s par la pluie, avec ses trois piqueurs en habit de chasse, qui sonnent de superbes fanfares ! DerriĂšre elle, voyez cette diligence, la mĂȘme qui a servi Ă  MM. Franconi pour jouer La Diligence attaquĂ©e ou L’Auberge des CĂ©vennes ; quatre chevaux la traĂźnent, quatre chevaux dressĂ©s, que vous avez admirĂ©s cent fois dans l’arĂšne du Cirque olympique [14]. Tout est comĂ©dien lĂ , tout est acteur voiture, chevaux, postillons et voyageurs. Sur l’impĂ©riale, il y a douze musiciens qui jouent l’ouverture de Guillaume Tell. Voyez plus loin cet homme Ă  cheval, en costume du Moyen Age, une aumĂŽniĂšre de velours Ă  la ceinture ; il s’arrĂȘte et jette Ă  la multitude Ă©merveillĂ©e des poignĂ©es de piĂšces Ă  cinq francs ; c’est un illustre Ă©tranger qui demeure sur la place VendĂŽme [
], lord Seymour. VoilĂ  encore une grande et riche voiture qui vient ; dans celle-lĂ , il n’y a que des dames ; moins gĂ©nĂ©reuses, mais plus galantes que le cavalier du Moyen Age, elles jettent Ă  la foule des paquets de dragĂ©es
 Bien ! bien ! baissez-vous, foulez-vous, traĂźnez-vous dans la boue pour les ramasser ! voilĂ  justement ce que voulaient ces dames. » Puis Luchet achĂšve le tableau trottinant autour des voitures de tĂȘte ou montĂ©e sur les attelages moins riches qui venaient derriĂšre, la grande masse des carnavaliers se rĂ©partissait dans la colonne. Image 3. L’ébranlement de la Descente vu par le peintre Jean Pezous 1840. MusĂ©e Carnavalet Trois ans plus tĂŽt, un confrĂšre de la presse qui prĂ©fĂ©ra quant Ă  lui la signature anonyme de M. R*** brossait dĂ©jĂ , dans son livre Promenade Ă  tous les bals de Paris
,* une fresque que l’on dirait dessinĂ©e par Jacques Callot ou Francisco de Goya C’est le mercredi des Cendres qu’il est beau de voir la Courtille. Sur les sept ou huit heures du matin, ceux qui ont passĂ© la nuit du mardi gras Ă  la barriĂšre n’attendent plus, pour rentrer dans la capitale, que l’arrivĂ©e des masques des diffĂ©rents bals de Paris. BientĂŽt ils arrivent en foule chez Desnoyez [sic], et, aprĂšs s’ĂȘtre rĂ©galĂ©s du bouillon bien faisant, ils se disposent tous Ă  partir. C’est ici que le tableau devient intĂ©ressant des hommes et des femmes masquĂ©s sortent de tous les cĂŽtĂ©s, parcourant la rue de Belleville, les habits en dĂ©sordre, crottĂ©s jusqu’aux genoux, la figure pĂąle et remplie de poussiĂšre ; des femmes hurlant, vĂ©ritables bacchantes, excitant leurs maris Ă  s’enivrer et leur en donnant l’exemple ; des menuisiers, des cordonniers, des marchands, des commis, des Ă©tudiants, toute espĂšce de gens mĂȘlant et confondant les conditions, et ne connaissant plus aucune distance ; des filles de joie, Ă  pied ou en voiture dĂ©couverte, profĂ©rant des paroles auxquelles les oreilles ne sont pas accoutumĂ©es ; des hommes trĂ©buchant Ă  chaque pas, se querellant, se battant, cherchant leurs femmes qu’ils viennent de perdre dans la foule, jurant, les traitant d’infidĂšles, en se servant de termes plus expressifs ; des chiffonniers se roulant par terre sans pouvoir se relever, des buveurs criant aux fenĂȘtres et inondant les passants, des cris de joie, des paroles obscĂšnes, des gestes et des maniĂšres dĂ©goutants voilĂ  ce que l’on voit et ce que l’on entend pendant la matinĂ©e du mercredi des Cendres, voilĂ  ce que l’on nomme la descente de la Courtille. » Dans la cohue qui rĂ©gnait devant les portes du cabaret DĂ©noyez le Grand Saint-Martin, il Ă©tait en vĂ©ritĂ© bien difficile de distinguer les spectateurs des acteurs de la manifestation carnavalesque. Ce que notera vers 1870 un rĂ©dacteur du Grand Dictionnaire universel du XIXe siĂšcle, de Pierre Larousse Bien des badauds qui avaient passĂ© la nuit dans leur lit se levaient de grand matin pour aller voir passer ces pitres qui ne s’étaient pas couchĂ©s et leur faire cortĂšge. Des gens du monde, qui venaient de danser un cotillon au faubourg Saint-Germain se faisaient conduire au faubourg du Temple pour assister au dĂ©filĂ© des comtesses de ruisseau. » Dans le mĂȘme sens, un autre brillant journaliste, Auguste Lagarde*, utilisant en 1891 des souvenirs d’anciens, Ă©crit Au point du jour, les abords de la Courtille Ă©taient gĂ©nĂ©ralement remplis d’élĂ©gants coupĂ©s et de voitures Ă  deux chevaux renfermant de simples curieux tandis que des viveurs hardis ne craignaient pas de se mĂȘler Ă  la foule et de s’encanailler tout leur saoul. » Ainsi lancĂ©, il illumine son chromo Quel fouillis de masques ! Ici des Romains coiffĂ©s d’une casquette ; lĂ  des bergĂšres de Florian fumant la pipe ; puis des chevaliers Moyen Age se traĂźnant le long des murs ; des marquis se roulant dans le ruisseau, des seigneurs Louis XV les vĂȘtements couverts de vin et de boue, des troubadours ayant perdu leur coiffure, et au milieu de ce grouillement tumultueux des trognes rouges d’ouvriers en goguette, des bras nus, des faces hideuses, des voyous, des filous, des voleurs, tout cela criant, charriant, riant, jurant, se dĂ©menant, se poussant, se bousculant et formant le tableau le plus poignant et le plus mouvementĂ© qui se puisse concevoir. » D’autres citations seraient possibles, car elles ne manquent pas, mais n’apporteraient plus grand-chose au dĂ©tail de la description. L’ajout qui suit du rĂ©cit, rĂ©digĂ© en 1885, de Charles VirmaĂźtre* vaut pour mettre en relief ses derniers mots, tout Ă  fait rĂ©vĂ©lateurs du sentiment de rĂ©probation voire de rĂ©pulsion que les journalistes Ă©taient moralement tenus d’inspirer au travers de leur reportage Les huppĂ©s, les rupins, arrivaient en voiture dĂ©couverte, en longue file, bravant la pluie, le vent, la neige ou la grĂȘle ; les hommes, la chemise fripĂ©e, la cravate de travers, le chapeau bossuĂ© en accordĂ©on ; les femmes, dĂ©colletĂ©es, les Ă©paule bleuies, grelottantes malgrĂ© leurs fourrures, les cheveux en dĂ©sordre, le visage flĂ©tri sur lequel le rouge et le blanc creusaient des sillons livides. Ils se rendaient au Point du jour, Ă  La PĂšlerine [15]et chez le pĂšre Desnoyers [sic] . Le champagne remplaçait le vin bleu ; les truffes, les pommes de terre frites ; les soles normandes, les moules nature l’huĂźtre du prolĂ©taire, mais ce n’était pas plus propre pour cela. Si le langage diffĂ©rait, l’orgie Ă©tait la mĂȘme, aussi dĂ©goĂ»tante. » Une fois le cortĂšge formĂ© Ă  quelques pas au-dessus de l’octroi, au niveau du grand cabaret DĂ©noyez, comme il vient plusieurs fois d’ĂȘtre dit, la procession pouvait s’ébranler. AprĂšs avoir franchi la barriĂšre voir les images 1 et 3, le cortĂšge tonitruant entrait donc dans la capitale en enfilant l’étroite rue du Faubourg-du-Temple. Il dĂ©valait la chaussĂ©e au milieu d’une foule de gens amassĂ©s sur les trottoirs, assaillis par les projections – venant des chars – de bonbons, de fleurs ou de poignĂ©es de farine ; le choix de l’envoi dĂ©pendait de la qualitĂ© du destinataire. Certaines des cibles se prenaient au jeu et, surenchĂ©rissant, renvoyaient au visage des masques des sachets de plĂątre, des lĂ©gumes, des Ɠufs, voire de la boue ramassĂ©e Ă  mĂȘme le sol. Ceux qui, plus rĂ©servĂ©s ou moins avancĂ©s dans l’imprĂ©gnation alcoolique que les autres, choisissaient de ne pas participer au dĂ©lire collectif se voyaient agonir de quolibets orduriers et faisaient se concentrer sur eux le tir des SilĂšne narquois. PeuplĂ©s eux aussi, les fenĂȘtres et les balcons des immeubles enserrant la rue Ă©taient comme autant de loges de théùtre. L’excellent chroniqueur Alexandre Privat d’Anglemont* rapporte que les Parisiens des autres quartiers louaient parfois ces baignoires » aux habitants plus d’un mois Ă  l’avance. Créé en 1841 au Théùtre des VariĂ©tĂ©s, sur le boulevard Montmartre, le vaudeville-ballet avec pantomime La Descente de la Courtille, du couple de spĂ©cialistes ThĂ©ophile du Mersan Marion et Charles DĂ©sirĂ© Dupeuty [16], livre lĂ -dessus un intĂ©ressant tĂ©moignage. Dans son tableau final, la piĂšce met en scĂšne les engueulements » qui, dans le registre poissard cher au poĂšte du siĂšcle antĂ©rieur VadĂ©, s’échangeaient entre le peuple des croisĂ©es et la foule de la procession entrepreneur de couverture en zinc, M. Jabulot a retenu un appartement de six baies afin d’y rĂ©unir une sociĂ©tĂ© d’amis ; l’un de ceux-ci, Jullien, aperçoit d’un balcon une personne qu’il reconnaĂźt sous son masque, et de l’interpeller en ces termes Eh ! mame Ramachard / Te v’lĂ  dans un char / Attelle-toi-z-y plutĂŽt / Ça fera un chameau ! » Tout un poĂšme ! Image 4. Les masques Ă  mi-parcours dans la rue du Faubourg-du-Temple, vers 1845. Dessin et lithographie de Marie-Alexandre Alophe Adolphe Menut. BNF Richelieu Estampes », KD- 5B-Fol Le dĂ©filĂ© avançait lentement, marquant de nombreuses pauses devant les cafĂ©s ou les restaurants de l’artĂšre – celui du Marseillais Olivari, par exemple, Le BƓuf provençal – et s’enflant de leur clientĂšle. A midi, au bout de quelque six heures de piĂ©tinement, il atteignait la rive gauche du canal Saint-Martin [17]. A ce point, la gent aristocratique et tout le gratin du cortĂšge s’en sĂ©paraient pour rallier les salons distinguĂ©s du restaurant des Vendanges de Bourgogne images 5 et 6 C’était lĂ  en effet que se rĂ©unissaient les viveurs Ă©lĂ©gants », Ă©crit Larousse dans son Dictionnaire, citant Ă  la suite le tĂ©moignage direct du vicomte de Beaumont-Vassy* Nous montĂąmes dans les salons, encombrĂ©s d’une foule gĂ©nĂ©ralement masquĂ©e et costumĂ©e, mais au milieu de laquelle apparaissaient pourtant quelques curieux en habits de ville. On faisait grand-bruit dans les cabinets et, dans les escaliers, il y avait un va-et-vient continu de gens du meilleur monde. La voiture de lord Seymour[13] arrĂȘtĂ©e devant la porte, annonçait la prĂ©sence de son noble propriĂ©taire. J’entrevis deux jeunes pairs de France, le comte Germain, Ă  cette Ă©poque l’un des plus Ă©lĂ©gants reprĂ©sentants de la jeunesse parisienne, et monsieur d’Alton-ShĂ©e, dont les dĂ©buts oratoires au Luxembourg donnaient tant d’espĂ©rances, et qui, un instant, en 1848, a voulu jouer un rĂŽle rĂ©publicain ; puis, soit insouciance, soit fatigue, a tout Ă  coup disparu de la scĂšne politique - pour n’y faire qu’une courte et inutile rĂ©apparition en 1869. M. Gilbert de Voisins, le mari de mademoiselle Taglioni, se trouvait lĂ  Ă©galement avec un homme d’infiniment de verve et d’esprit, M. Romieu. » Le plus gros de la procession, aprĂšs avoir traversĂ© le pont-passerelle sur le canal Saint-Martin [14], se disloquait prĂšs de la fontaine aux lions de la place du ChĂąteau-d’Eau de la RĂ©publique de nos jours. Mais certains enragĂ©s, s’étant refait une santĂ© chez le pĂšre Passoir ou bien au cafĂ© Hainsselin, Ă  l’entrĂ©e du faubourg, poursuivaient encore un temps la mascarade, soit sur le boulevard du Temple, soit sur le boulevard Saint-Martin, cela dĂ©pendait des annĂ©es. Image 5. Dessin anonyme gravure par l’atelier Best, Leloir et HĂŽtelin de l’image de la descente de la Courtille accompagnant un article non signĂ© lui aussi de compte rendu dans L’Illustration, journal universel » du 24 fĂ©vrier 1844. On voit le cortĂšge parvenu au bas de la cĂŽte du faubourg du Temple. A gauche, le portail, la cour et le bĂątiment du restaurant Aux Vendanges de Bourgogne ». BNF Gallica MontĂ©e historique du phĂ©nomĂšne Laissons Ă  prĂ©sent le registre du reportage pour ainsi dire en direct » pour saisir notre phĂ©nomĂšne dans la dimension de sa gestation historique, et entreprendre cela, c’est tĂ©moigner du prestige extraordinaire dont la Courtille, jadis, jouit dans le cƓur des Parisiens. La consĂ©cration publique de la Descente a couronnĂ© en effet le sommet de la montĂ©e en gloire de cette terre Ă  l’est de la capitale comme site de plaisir et de loisir. A la source du mouvement d’histoire, il y a la croissance des villes et une mutation des mƓurs urbaines dont l’un des rĂ©vĂ©lateurs fut, Ă  compter de la fin du rĂšgne de Louis XIV, la promotion nouvelle au succĂšs de ce type de cabaret champĂȘtre qu’on ne tarderait plus Ă  appeler guinguette. Maisons de bouteille, comme on disait dans les vieux temps, ces guinguettes l’étaient, certes, mais proposaient aussi aux clients des repas souvent gourmands et faisaient en gĂ©nĂ©ral bal ; agrĂ©mentĂ©es de jardins voire d’un parc, avec des aires de jeux, lovĂ©es souvent dans des paysages bucoliques encore agrestes, elles se dĂ©signaient en outre tout naturellement comme but de marche aux simples promeneurs du dimanche. Dans les banlieues des mĂ©tropoles françaises et principalement autour de Paris, elles commencĂšrent Ă  pousser comme des champignons sous la RĂ©gence et ce dynamisme alla en s’accroissant pendant plus de cent vingt ans. Vers 1740, de vĂ©ritables hameaux de guinguettes Ă©taient formĂ©s au bout des faubourgs parisiens au Petit-Montrouge, Ă  Vaugirard, Ă  la GlaciĂšre, aux Porcherons chaussĂ©e d’Antin et Ă  la Petite-Pologne secteur de notre gare Saint-Lazare, Ă  la Maison-Blanche prĂšs de notre porte d’Italie, Ă  la Nouvelle-France faubourg PoissonniĂšre
 Celui de la Courtille, au bord de la rue Saint-Maur, Ă  la croisĂ©e de la rue du Faubourg-du-Temple, acquit aussitĂŽt une renommĂ©e exceptionnelle grĂące Ă  l’établissement de Jean Ramponeau Le Tambour royal, appelĂ© Ă  devenir une lĂ©gende [18] De tels lieux, courus tout le long de l’annĂ©e, Ă©taient naturellement propices Ă  l’achĂšvement des festivitĂ©s carnavalesques en chaude dignitĂ© bachique. D’ancienne date, on a donc descendu la Courtille au matin du jour des Cendres aprĂšs y ĂȘtre grimpĂ© au soir des cavalcades rituelles du mardi gras sur les nouvelles promenades de ceinture qu’on appellerait plus tard Grands Boulevards. A pied, Ă  cheval, en calĂšche, on regagnait le centre de la capitale en formant des monĂŽmes, des pelotons, des bandes », comme on disait alors. Image 6. 1810, attelage de carnaval, aquatinte du dessinateur et graveur de renom Philibert Louis Debucourt. L’artiste a peut-ĂȘtre rencontrĂ© son modĂšle en basse Courtille, rĂ©sidant alors lui-mĂȘme au village de Belleville. Estampe des collections publiques. Le rendez-vous des fĂȘtards rentrants fut d’abord fixĂ© rue Saint-Maur, aux portes du cabaret de Ramponeau et de quelques maisons voisines mais concurrentes Au Petit Saint-Jean, le Coq du point du jour, A l’Image de Saint-Nicolas, le ChĂąteau de Bellevue, etc., se succĂ©dant presque Ă  touche-touche en bordure de chaussĂ©e au carrefour avec la rue du Faubourg-du-Temple. PassĂ© l’an 1770, le point de rassemblement se dĂ©plaça plus haut dans la Courtille, Ă  peu prĂšs au niveau oĂč s’ouvre de nos jours la cour de la Grace-de-Dieu 127 129 maintenant, rue du Faubourg-du-Temple ; lĂ  se tenait la guinguette qui prit le relais de la locomotive alors essoufflĂ©e du Tambour royal le Grand Saint-Martin, fleuron de la famille DĂ©noyez, trĂšs prĂ©sente dans tout le secteur. A partir du milieu des annĂ©es 1780, des membres de cette vaste fratrie Ă©tendirent leur pĂ©rimĂštre cabaretier de l’autre cĂŽtĂ© de la barriĂšre d’octroi, dans la Courtille la plus haute. Vers 1791, Gilles DĂ©noyez ouvrit ainsi un second Grand Saint-Martin au 10 actuel de notre rue de Belleville, oĂč tendit Ă  se faire dĂ©sormais le rendez-vous du mercredi premier de carĂȘme. Image 7. La Descente de la Courtille le mercredi des Cendres », huile sur toile d’Artus Despagne, 1823. MusĂ©e Carnavalet. Ce tĂ©moignage est trĂšs intĂ©ressant car il montre le phĂ©nomĂšne Ă  une date le titre du catalogue du musĂ©e est certainement postdatĂ© oĂč il n’est pas encore formellement constituĂ©. On voit ici l’arrivĂ©e de carnavaliers sur la place du ChĂąteau-d’Eau, un peu au nord de notre place de la RĂ©publique actuelle. DĂšs cette Ă©poque, aucun Ă©lĂ©ment ne manquait plus pour que naisse et se constitue l’évĂšnement de la Descente ; pour que les embryons de cortĂšges qui s’égrenaient auparavant de maniĂšre informelle s’agrĂšgent en un dĂ©filĂ© un tant soit peu ordonnĂ©. Une manifestation officielle, en somme. Le poĂšte de goguette [19] Emile Debraux la pressent presque quand, en 1823, dans son pot-pourri de carnaval intitulĂ© Les Dieux Ă  la Courtille, il Ă©crit, faisant parler Jupiter De nos grandeurs nous sommes un peu las, / Et nous allons descendre Ă  la Courtille, / Chez DĂ©noyez, faire le mardi gras. » C’était dans l’air ; l’agent de catalyse intervint finalement en 1824, si l’on en croit le journaliste dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ© Auguste Lagarde* [20]. En 1822, avance-t-il, Antonio Franconi dirigeait un cirque Ă©questre »[
] dans le local de l’ancien couvent des Capucines, Ă  peu prĂšs Ă  l’endroit oĂč se trouve maintenant le bĂątiment des Magasins rĂ©unis [21]. C’était la suite du cirque [de l’Anglais Philip] Astley, auquel il avait commencĂ© par faire concurrence. Or, en ce temps-lĂ , Antoine Franconi fonda le "souper du mardi gras" auquel prenaient part tous les artistes de sa troupe et qui avait lieu, aprĂšs la reprĂ©sentation, au restaurant de L’Ile d’amour [22]. Le soir du mardi gras de l’annĂ©e 1824, il prit fantaisie aux Ă©cuyers et aux Ă©cuyĂšres du cirque Franconi de se rendre Ă  L’Ile d’amour en cavalcade, costumĂ©s comme pour paraĂźtre devant le public, musique en tĂȘte. Tout le quartier du faubourg du Temple et de la rue de Belleville elle s’appelait alors rue de Paris furent mis en Ă©moi par le passage de cet Ă©trange et bruyant cortĂšge. AprĂšs le souper vinrent les danses et on ne sortit de L’Ile d’amour qu’au lever de l’aurore. Lorsque la cavalcade, plus animĂ©e que jamais, reprit le chemin de Paris, le monde sortit Ă  flots pressĂ©s des bals de la Courtille et une chose sans nom, avinĂ©e, poudreuse, titubante, encombra la chaussĂ©e et les trottoirs. Jugez de l’effet que dut produire l’arrivĂ©e inattendue de la cavalcade Franconi. Elle fut accueillie par un formidable concert de rires, de cris, de quolibets et 2 000 Ă  3 000 personnes couvertes d’oripeaux, et la plupart en Ă©tat d’ivresse, la suivirent jusqu’en bas de la rue du Faubourg-du-Temple, Ă©changeant avec elle toutes les apostrophes du catĂ©chisme poissard. Ce fut la premiĂšre journĂ©e de la "descente de la Courtille" voir image 7 ». Les carnavaliers eurent tĂŽt fait de reprendre la fantaisie des Ă©cuyers Franconi Ă  leur compte. L’annĂ©e d’aprĂšs 1825, donc, les mĂȘmes scĂšnes se renouvelĂšrent, poursuit Lagarde, mais avec plus d’entrain et plus de vigueur encore. Puis des fiacres, des chars Ă  bancs, des calĂšches et mĂȘme des voitures de maĂźtre arrivant de tous les points de Paris apportĂšrent Ă  la Courtille un nouvel Ă©lĂ©ment de tohu-bohu et la mascarade Franconi, grossie par des Ă©quipages, prit des proportions gigantesques. » Ainsi de 1826 Ă  1829. En 1831, profitant des libĂ©ralitĂ©s de circonstance consenties par Louis-Philippe pour inaugurer sa monarchie nouvelle du lendemain de la rĂ©volution de Juillet, la festivitĂ© mettait en place les ultimes Ă©lĂ©ments de son protocole la Descente Ă©tait instituĂ©e, devenant trĂšs vite un spectacle considĂ©rable. HonorĂ© de Balzac n’exagĂšre pas qui, dans La Fausse MaĂźtresse 1841, glisse cet avis Chacun sait que depuis 1830, le carnaval a pris Ă  Paris un dĂ©veloppement prodigieux qui le rend europĂ©en et bien autrement burlesque que le feu carnaval de Venise. » C’est de toute probabilitĂ© au fil des dĂ©cennies 1830 et 1840 que le carnaval atteignit Ă  Paris le pic de vitalitĂ© de toute son histoire, la Descente concourant beaucoup, de façon dĂ©cisive mĂȘme, Ă  l’incandescence de son succĂšs. La manifestation divisait l’opinion ; pourtant, mĂȘme les pires dĂ©tracteurs qui parlaient avec dĂ©goĂ»t de dĂ©gorgement populacier », du cloaque plĂ©bĂ©ien » de la Courtille, se dĂ©plaçaient pour voir, parce que c’était un rendez-vous paradoxalement mondain, oĂč il fallait ĂȘtre sinon se montrer. TĂ©moin direct, l’écrivain Alexandre Privat d’Anglemont* l’atteste Tout le monde disait ’C’est infĂąme, c’est ignoble’’ ; mais le plus beau monde, les duchesses en dominos et les impures court-vĂȘtues, dans leurs atours dĂ©braillĂ©s, les courtisanes en poissardes effrontĂ©es, et les bourgeoises en paysannes ou laitiĂšres suisses, s’empressaient, dĂšs quatre heures du matin, de quitter les salons de l’OpĂ©ra, les bals de souscription, ceux des théùtres, et mĂȘme, faut-il le dire, les bals officiels, pour y courir. » Ce Privat, un prince de la bohĂšme du temps, Ă©tait plutĂŽt d’une bonne pĂąte mais entendez par contraste le haut-le-cƓur d’Alfred de Musset Les voitures de masques dĂ©filaient pĂȘle-mĂȘle, entre deux longues haies d’hommes et de femmes hideux debout sur les trottoirs. Cette muraille de spectateurs sinistres avait, dans ses yeux rouges de vin, une haine de tigre. » Confessions d’un enfant du siĂšcle, 1836. Son confrĂšre et concurrent dandy Charles Baudelaire renchĂ©rit en fulmination quand il parle de l’ odieuse descente de la Courtille oĂč les poĂštes et les savants sont criblĂ©s de boue et de farine par de prosaĂŻques polissons » article L’art est-il utile ? », dans le recueil de textes Sur les drames et romans honnĂȘtes, 1857. Victor Hugo, Ă©crivant en 1849 Ă  Juliette Drouet, Ă©nonce quant Ă  lui un jugement nuancĂ© par la nostalgie amoureuse Tu as raison, ce jour-ci est aussi un doux et charmant anniversaire. Je n’oublierai jamais cette matinĂ©e oĂč je sortis de chez toi, le cƓur Ă©bloui. Le jour naissait, il pleuvait averse, les Masques dĂ©guenillĂ©s et souillĂ©s de boue descendaient de la Courtille avec de grands cris et inondaient le Boulevard du Temple. Ils Ă©taient ivres et moi aussi ; eux de vin, moi d’amour. A travers leurs hurlements, j’entendais un chant que j’avais dans le cƓur. Je ne voyais pas tous ces spectres autour de moi, spectres de la joie morte, fantĂŽmes de l’orgie Ă©teinte, je te voyais, toi douce ombre rayonnante dans la nuit, tes yeux, ton front, ta beautĂ©, et ton sourire aussi enivrant que tes baisers. 0 matinĂ©e glaciale et pluvieuse dans le ciel, radieuse et ardent dans mon Ăąme ! Souvenir ! » Les mauvais jugements sur la Descente, au reste, n’étaient pas seulement d’ordre moral et venant uniquement des coteries distinguĂ©es de la sociĂ©tĂ© ; une critique plus politique se profilait aussi parfois, par exemple sous la plume de Louis Huart, collaborateur au journal satirique Le Charivari Cette fameuse cĂ©rĂ©monie est encore une de ces traditions inventĂ©es par la police impĂ©riale pour occuper les badauds de tous les rĂ©gimes. » Paris au bal, 1845, chapitre XII. [18] La mĂȘme accusation faite au Pouvoir d’instrumentaliser le carnaval, les cercles militants ouvriers et socialistes, alors Ă  leur aube, la formulaient d’une voix encore plus nette La police ne faisait rien pour prĂ©venir le dĂ©bordement de ces orgies au milieu de Paris. Mais, on le sait, rabaisser l’esprit du peuple, le dĂ©grader, l’avilir a toujours Ă©tĂ© pour les gouvernements monarchiques le moyen qui leur a suffi pour perpĂ©tuer leur domination et leur empire [23]. » L’auteur de ces paroles, Martin Nadaud, travaillait comme maçon, en mars 1832, Ă  un rĂ©agencement des bĂątiments du Grand Saint-Martin DĂ©noyez et, juchĂ© sur son Ă©chafaudage, avait Ă©tĂ© un tĂ©moin placĂ© en premiĂšre loge au-dessus du point de dĂ©part de la Descente. Vitrine de prestige Sous le crayon des maĂźtres dessinateurs et caricaturistes Image 8. Paul Gavarni, descendeurs de Courtille » bien fatiguĂ©s. Dessin pour le livre Physiologie du dĂ©bardeur* », de Maurice Alhoy, 1842. Image 9. Le spectre de la Descente vu par HonorĂ© Daumier en 1855. Dessin paru dans le Charivari » du 24 fĂ©vrier de ladite annĂ©e. BNF Gallica. Image 10. Dessin de 1859 de Gustave DorĂ© pour le livre d’Emile LabĂ©dolliĂšre Le Nouveau Paris ». Echos de théùtre Les auteurs de théùtre, les directeurs de salles dramatiques, s’emparĂšrent naturellement du thĂšme. Les deux images suivantes en donnent le tĂ©moignage Image de Roze. Second tableau du vaudeville-ballet-pantomime La Descente de la Courtille », de Dumersan et Dupeuty, 1841. Initialement publiĂ©e dans Le Monde dramatique ». © BNF BibliothĂšque-musĂ©e de l’OpĂ©ra, cote IFN-8437266 Cette piĂšce [24], dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e plus haut dans le prĂ©sent article et dont il sera reparlĂ© plus loin, rencontra un trĂšs grand succĂšs. DĂ©cidĂ©ment en chance avec le thĂšme du carnaval, la mĂȘme salle des VariĂ©tĂ©s verra, en mars 1854, le public affluer en masse vers sa scĂšne pour applaudir un vaudeville de MM. Clairville et Lopez, Le Carnaval partout ou la Course aux soufflets, oĂč la Descente compose de nouveau un tableau gratinĂ©. Image 12. DessinĂ© par J. Worms, le 18e tableau de la revue de ThĂ©odore Cogniard et Claiville Sans queue ni tĂȘte » 1859 "Une autre descente aux enfers" ! BNF Gallica. Une dizaine d’annĂ©es plus tĂŽt, Ernest Bourget livret et Joseph Vimeux musique avaient Ă©crit une Ɠuvrette intitulĂ©e Fifi chez Desnoyers [sic] ou la Descente de la Courtille ». En musique Image 13. Partition musicale d’un quadrille La Descente de la Courtille, le mardi gras aux enfers », 1844. BNF Gallica Le dĂ©clin En 1860, le territoire communal de Belleville, avec son quartier de la haute Courtille, Ă©tait annexĂ© Ă  Paris. L’évĂšnement a pratiquement coĂŻncidĂ© avec l’arrĂȘt de la Descente dont l’essoufflement, du reste, Ă©tait sensible depuis plusieurs annĂ©es. On peut mĂȘme dire que les prĂ©mices du dĂ©clin remontent Ă  l’époque autour de 1848. Pourquoi ce dĂ©clin ? Des raisons banales Ă  la base l’évidence de l’usure de l’attrait du rituel carnavalesque Ă  force de rĂ©pĂ©tition, le changement des modes. Plus lourdement, des donnĂ©es trĂšs matĂ©rielles intervinrent le fait que la vieille Courtille rendait l’ñme. Tout simplement, l’avancĂ©e de l’urbanisme vers le centre historique de la commune de Belleville avait avalĂ© le paysage encore en partie rural qui fit longtemps le charme de cette contrĂ©e de l’Est parisien Ă  mi-pente de colline, son appas bucolique O les frais ombrages, les riants gazons, les gais refrains, les joyeuses parties de la vieille Courtille, qu’ĂȘtes-vous devenus ? », se lamente l’historien ThĂ©ophile Lavalléé [25]. Au plan Ă©conomique, cette mutation eut directement une incidence toute nĂ©gative, l’amenuisement du privilĂšge de boire et manger moins cher dans les cabarets des produits de bouche avant qu’ils ne franchissent les barriĂšres d’octroi et soient taxĂ©s. DĂšs 1847, le champ de l’impĂŽt fut en effet Ă©tendu, pour nombre de marchandises, Ă  toute la petite banlieue, celle que les nouvelles fortifications militaires voulues par Adolphe Thiers enfermaient dĂ©sormais avec Paris [26]. Image 14. Couverture du texte d’une piĂšce de théùtre dont une partie de l’action se dĂ©roule au Bal FaviĂ© », Ă  Belleville, dans le dĂ©cor original reproduit sur les planches théùtrales. Au milieu de la dĂ©cennie 1850, les brĂšves » par lesquelles les journaux rendent compte de la Descente marquent rĂ©guliĂšrement sa baisse de forme. Exemple » de chronique de la mort annoncĂ©e, ce drame théùtral Ă  succĂšs Ă©crit en 1857 par MM. Crisafulli et Devicque, Les Deux Faubouriens créé au Cirque olympique une grande partie de l’acte III dĂ©roule son action sur la piste de danse du Bal FaviĂ© – salle Ă©minemment bellevilloise, grande rivale du DĂ©noyez », voir note 13 – oĂč fait prĂ©cisĂ©ment irruption, Ă  la scĂšne 4, une bande de masques. Un vieux de la vieille Descente les apostrophe ainsi Aujourd’hui, vous ne faites plus le carnaval, vous vous embĂȘtez en costume, voilĂ  tout. » Voir image 14. Le pĂšre du roman policier », Emile Gaboriau, dans le journal littĂ©raire Jean Diable, exprimera avec un peu plus de force encore cet avis dĂ©solĂ© C’était, le bon temps. Mais nous ne savons plus nous amuser. La Courtille n’est plus qu’un rĂȘve, et les masques se cachent dans les bals. C’est lĂ  qu’il faut aller les chercher, mais ils ne sont presque plus gais, ils ne boivent pas ou ils boivent de la biĂšre, ce qui est terriblement froid. Le carnaval de la rue est mort. » La dĂ©ploration de l’imminence du dĂ©cĂšs est inscrite en mai 1859 dans la revue Souvenirs de Belleville que proposent au Théùtre de Belleville [18] Alexandre Flan et Emile Delteil la Descente fait partie des huit tableaux qui dĂ©coupent la piĂšce proposĂ©e en tournant des pages emblĂ©matiques de l’histoire de la localitĂ© appelĂ©e Ă  perdre son indĂ©pendance et Ă  former en partie nos 19e et 20e arrondissements. La fin de la Descente, c’est aussi la clĂŽture de l’époque de gloire de la Courtille. Image 15. Page du livret de la revue Souvenirs de Belleville » donnĂ©e au Théùtre de Belleville » le 8 mai 1859. BNF Gallica. VoilĂ , c’est bien dit, et deux fois plutĂŽt qu’une. Ainsi, le bohĂšme Privat d’Anglemont, pressentant la pente de l’avenir, s’écriait dĂ©jĂ  en 1854 La Courtille n’existe plus, la Courtille est morte ! », avec ce complĂ©ment anticipĂ© En perdant la descente de la Courtille, le carnaval populaire a perdu son plus beau fleuron. » Paris anecdote.*. La descente de la Courtille est tombĂ©e avec les barriĂšres de Paris en 1860 », confirme un chroniqueur du Journal-Programme des théùtres de Paris le 11 fĂ©vrier 1864. Et de poursuivre Moralement, l’avantage est pour nous. Nous avons un peu plus de vergogne, un peu moins de gaietĂ©. » Avec quelque six ans de recul, le Grand Dictionnaire universel du XIXe siĂšcle de Pierre Larousse, dĂ©jĂ  citĂ©, ne s’embarrasse pas de formules contournĂ©es Nous ne regrettons pas cette bacchanale, qui Ă©tait plus orduriĂšre que joyeuse, et nous nous fĂ©liciterions mĂȘme de sa disparition, s’il fallait y voir l’indice d’une rĂ©elle amĂ©lioration des mƓurs. » Le rĂ©dacteur de la notice ajoute Ce n’est plus pour nous qu’une tradition, pour quelques-uns, c’est un souvenir », ce qui traduit assez bien l’état composite du sentiment public moyen un soulagement d’un cĂŽtĂ© et une empreinte de nostalgie de l’autre. Muant en lĂ©gende, le souvenir de la Descente va d’ailleurs persister longuement et rĂ©sister Ă  l’opprobre officiel. D’une telle transmission, voici des traces nĂ© en 1850, le provincial Guy de Maupassant n’a pu ĂȘtre un spectateur de la Descente mais en a entendu parler avec chaleur ; sous le pseudonyme de Maufrigneuse, il lui dĂ©couvre des vertus, en 1882, dans une rubrique du grand quotidien Gil Blas La descente de la Courtille Ă©tait, il y a une cinquantaine d’annĂ©es, le plus curieux moment du Carnaval. Le peuple, qui avait passĂ© la nuit au milieu des saladiers Ă  la française, rentrait le mercredi matin, dans Paris, par le faubourg du Temple. C’était une cohue d’hommes et femmes encore ivres, hurlants et trinqueballants. Une autre foule l’attendait, celle des masques Ă©lĂ©gants ayant passĂ© la nuit dans les restaurants Ă  la mode, et les deux lĂ©gions de pochards se regardaient, s’engueulaient et fraternisaient. Aujourd’hui, pour tous les vrais Parisiens, le Carnaval n’a du bon que l’instant oĂč il finit et pendant ces jours bruyants, Ă  cornets et Ă  trompes de chasse, on entend dire Ă  tout instant ’ Mon dieu que ces fĂȘtes sont horribles.’’ – Fini de rire. ». La mĂȘme annĂ©e, le 16 fĂ©vrier, exactement, dans le mĂȘme journal oĂč il passe en feuilleton son Tableau de Paris, Jules VallĂšs, ancien bachelier du Quartier latin d’avant NapolĂ©on III, se rappelle indirectement le carnaval d’antan en demandant ce qu’est devenu lord Seymour, l’Arsouille qui boxait contre les voyous et s’encanaillait Ă  la descente de la Courtille [27] ». Autre forme de rappel, l’article que le Figaro du 12 mai 1876 consacre Ă  cette famille des cabaretiers DĂ©noyez — dont l’un des membres Ă©minents, Jean-Gilles, que nous reverrons plus loin dans cet article, vient de mourir — qui joua un rĂŽle de premier ordre dans la tenue des descentes ». Vive est encore la mĂ©moire Ă  la toute fin du XIXe siĂšcle, quand l’illustre cabaret montmartrois Le Chat noir en fait un tableau de sa revue de janvier 1896. Image 16. Carte postale publicitaire d’un spectacle de 1900 Ă  l’écho de la Descente. Gallica L’expression descente de la Courtille » connut pendant tout un temps un beau succĂšs dans le langage courant comme Ă©quivalent mĂ©taphorique, poivrĂ© d’une connotation canaille, du mot mascarade ». L’image XX ici incrustĂ©e, un dessin gravĂ© de Gavarni, en illustre un dĂ©rivĂ© ĂȘtre de la race des carnavaliers qui descendent de la Courtille », des descendeurs », en somme [28]. Cette consĂ©cration ne s’annula que lorsque le rĂ©fĂ©rent Courtille disparut lui-mĂȘme ce quartier de la capitale qu’Aristide Bruant dĂ©signait toujours ainsi aux Parisiens, vers 1885, dans son fameux Belleville-MĂ©nilmontant L’ soir, avec sa p’tit famille, / I’ s’ baladait, en chantant, / Des hauteurs de la Courtille, / A MĂ©nilmontant », ce secteur bellevillois, donc, touchĂ© par de nouvelles mutations urbaines, perdit Ă  jamais son droit de citĂ© dans la pratique populaire aprĂšs l’ainsi dite grande guerre ». Dessin de Paul Gavarni publiĂ© dans L’Illustration » du 21 fĂ©vrier 1852 avec, en lĂ©gende, ce dialogue Nous descendons de la branche cadette des Pignon-FumĂ©. — Et moi, je descends de la Courtille. » Il faut toute la magie subjective d’un surrĂ©aliste comme RenĂ© Magritte pour ressusciter le fantĂŽme carnavalesque. Que l’on fixe la photographie suivante, qui, datĂ©e de 1928, provient des archives du peintre belge, avec attention Image 19. Ceci est bien la descente de la Courtille ». © Tirage de photo au Centro cultural Borges, Buenos Aires qu’on la regarde dans tous les sens, cela ne rĂ©vĂšle pas la raison de son titre La Descente de la Courtille, pas du tout Ă©vidente car le tĂ©moignage simple des yeux ramĂšne toujours Ă  une scĂšne de dĂ©prĂ©dation de l’enclosure d’une maison n’ayant rien de spĂ©cialement bellevillois par trois lascars dont, sans doute, une femme, avec chien. La descente » serait alors la tentative de descellement de la grille ? En vĂ©ritĂ©, le clichĂ© est pris au Perreux-sur-Marne oĂč le peintre habita lors de son sĂ©jour Ă  Paris en 1927-1928 ; on y voit l’écrivain Camille Goemans, RenĂ© Magritte en personne ainsi que sa femme, Georgette. C’est dans l’esprit du dĂ©tournement situationniste et en Ă©rudit des cultures populaires que l’auteur de polars Serge Quadruppani a quant Ă  lui intitulĂ© l’une de ses meilleures nouvelles La MontĂ©e de la Courtille 1999, Ă©d. Paris, Rive noire ». Des organisateurs attitrĂ©s de la Descente, il n’y en eut pas Ă  proprement parler mais le nom est en revanche restĂ© de deux animateurs particuliers. La lĂ©gende a surtout retenu le personnage de milord l’Arsouille, l’adepte du pugilat que l’on a lu, tout Ă  l’heure, Jules VallĂšs Ă©voquer. Si marquantes qu’elles aient Ă©tĂ© par leur extravagance, les participations de cet homme aux cortĂšges de la Courtille se sont cependant rĂ©sumĂ©es Ă  deux ou trois Ă©ditions forcĂ©ment, il est, croit-on savoir, dĂ©cĂ©dĂ© en 1835. Bien plus rĂ©pĂ©tĂ©e fut en revanche la prĂ©sence de Chicard. Sur nos images 1 et 3 et 12, voyez, c’est la silhouette attifĂ©e en militaire, au chef casquĂ© ombragĂ© d’un plumet et levant les bras en V. Image XX. Chicard enseignant un pas excentrique Ă  la Grande ChaumiĂšre ». Illustration de la couverture d’un petit format » de chanson, 1903. Chicard et les Vendanges de Bourgogne » L’Arsouille passera aprĂšs, faisons d’abord connaissance avec monsieur Alexandre LĂ©vĂȘque puisque c’était, de Chicard, le vrai nom. Ordinairement, le jour, il exerçait le mĂ©tier de marchand de cuir en gros mais, le soir, il se faisait maĂźtre de danse dans quelques-uns des grands bals parisiens de son Ă©poque Mabille, Prado, Bullier, Grande-ChaumiĂšre
. Cela va sans dire, le bonhomme redoublait d’activitĂ© en pĂ©riode de carnaval et le fait nous ramĂšne directement Ă  cet Ă©tablissement, Aux Vendanges de Bourgogne, dont on a vu plus haut, et de quelle façon ! il constituait, au bout opposĂ© du trajet commencĂ© chez DĂ©noyez, le premier lieu de dislocation du cortĂšge de la Descente. M. LĂ©vĂȘque y mettra au point une formule de soirĂ©e trĂ©pidante qui, pendant six ans, deviendra la fĂȘte obligĂ©e d’une grande partie des carnavaliers au soir du mardi gras le bal Chicard. Avant de dire en quoi cela consistait, quelques mots sur les Vendanges. Ce n’est pas un luxe et cela fait mĂȘme quelque rĂ©paration de tort car, si cette maison n’est pas inconnue des historiens de l’Est parisien, elle n’a pas bĂ©nĂ©ficiĂ© de leur part d’une mise en lumiĂšre comparable Ă  celle dont ils ont Ă©clairĂ© la guinguette DĂ©noyez tant de fois citĂ©e dans le prĂ©sent article. Sa place au sein du cĂ©rĂ©moniel carnavalesque Ă©tait pourtant marquĂ©e. VoilĂ  une adresse certainement plus chic que le Grand Saint-Martin. A l’angle du quai de Jemmapes, exactement au 29 de la rue du Faubourg-du-Temple, l’établissement formait une sorte d’annexe des cafĂ©s somptueux des Grands Boulevards. Le prolifique romancier populaire Paul de Kock*, qui a connu ce restaurant peu aprĂšs son ouverture par un certain Legrand, l’évoque ainsi dans ses MĂ©moires Il existait alors [en 1811], faubourg du Temple, Ă  gauche en montant par le boulevard, Ă  la hauteur de l’endroit oĂč l’on croisa plus tard le canal Saint-Martin [retour Ă  la note 15], un petit restaurant appelĂ© les Vendanges de Bourgogne, destinĂ© Ă  devenir, sous ce mĂȘme nom, une des maisons les plus achalandĂ©es de Paris, celle oĂč se cĂ©lĂ©braient le plus de repas de corps et de noces bourgeoises. » De Kock ne se trompait pas, le succĂšs de la maison fut des plus vifs. Nombre de personnalitĂ©s du Paris romantique en firent l’une de leurs cantines » favorites, qu’elles appartinssent au monde des arts et lettres Dumas, Sand, Janin, Gautier, LemaĂźtre
, ou Ă  celui de la politique voire des sciences Marrast, Raspail, Pyat, Delord, Etienne Arago, etc. Les Vendanges trouvĂšrent mĂȘme une place au sein de la chaĂźne des Ă©vĂšnements qui conduiront Ă  la rĂ©volution de juillet 1830 [29]. C’est dans le zĂ©nith du succĂšs des Vendanges, autour de 1840, que Charlier, successeur de Legrand — et qui, sans mauvais jeu de mots, agrandit les locaux primitifs tout en Ă©levant la qualitĂ© gastronomique des cuisines —, accueillit le bal Chicard [30]. Sans autre transition, mettons nous dans son ambiance Ă  la veille de la Descente. On rencontrait au bal Chicard le plus incroyable pĂȘle-mĂȘle de nuances sociales, Ă©crivent en Ă©cho le bohĂšme Privat d’Anglemont* et le journaliste politique Taxile Delord*, des tĂȘtes impossibles Ă  accoupler ensemble, des contrastes dĂ©guisĂ©s et inexplicables. » Grands personnages, publicistes, rapins Ă©chevelĂ©s, littĂ©rateurs, commis, clercs de notaires
, lĂ , plus de numĂ©ro d’ordre, plus de catĂ©gories, de conditions, poursuit Delord, tout est nivelĂ©, fondu dans l’immense tourbillons des costumes et des quadrilles ». L’esprit mĂȘme du carnaval poussĂ© au paroxysme, une prĂ©figuration, un marchepied, de la Descente en somme. Le prix de la soirĂ©e, 10 francs selon Privat, Ă©tait Ă©tudiĂ© pour ce brassage, pas spĂ©cialement bon marchĂ© dans l’absolu mais tout compte fait avantageux car, en plus du droit d’accĂšs au bal, il comprenait le souper. Les choses, dĂ©crivent nos deux informateurs, s’ordonnaient ainsi tout d’abord venait un rĂ©cital de chansons de poĂštes liĂ©s Ă  la maison, dont Chicard en personne, laquelle sĂ©ance de goguette impromptue donnait volontiers dans le registre grivois. Image XX. Le galop Chicard » vu par Gavarni. Illustration de l’article de Taxile Delord*. Pendant le tour de chant des troubadours, les danseurs et danseuses, naturellement en masques et costumes de carnaval, venaient progressivement occuper la piste, la rodaient de premiĂšres contredanses, et, quand les carrĂ©s de quadrilles Ă©taient bien formĂ©s, M. LĂ©vĂȘque, d’un clin d’Ɠil, donnait l’ordre Ă  ses trois acolytes habituels [31] de baisser la lumiĂšre des lustres et, Ă  l’orchestre, celui de lancer la musique. Et quel orchestre ! s’exclame Delord dix pistolets solos, quatre grosses caisses, trois cymbales, douze cornets Ă  pistons, six violons et une cloche », bref, de quoi dĂ©clencher un tonnerre propre Ă  saturer les oreilles et Ă  plonger les crĂąnes dans un bain sonore hypnotique. Le moment suprĂȘme de la soirĂ©e commençait alors, qui livrait la preuve Ă©clatante du gĂ©nie de la crĂ©ation d’ambiance comme de l’organisation de l’ivresse dansante que possĂ©dait LĂ©vĂȘque et Ă  quoi on a justement donnĂ© son nom de scĂšne, le galop Chicard ». C’était un chahut [32] invraisemblable, une mĂȘlĂ©e Ă©ruptive de corps Ă©chevelĂ©s, dĂ©sarticulĂ©s, gesticulants, un tourbillon frĂ©nĂ©tique, un rouleau compresseur au travers du plus grand salon des Vendanges, qui mettait trĂšs vite les danseurs en transe dans la sueur. L’extraordinaire de la performance tenait Ă  ceci, que, malgrĂ© la dĂ©mesure, une planification des pas s’exĂ©cutait ; la folie se terminait en gĂ©nĂ©ral avec une phalange [33]. Cela durait jusqu’à ce que l’épuisement des forces commande une retraite aux danseurs auxquels Ă©tait alors servi le souper. La danse reprenait aprĂšs, ponctuĂ©e de nouveaux chahuts et se prolongeait jusqu’au matin du mercredi des Cendres. Le temps Ă©tait alors venu de gagner le rendez-vous de la barriĂšre de Belleville. A ce point, il nous faut imaginer — parce qu’aucun tĂ©moignage, nul rapport de journaliste, ne le relate, mais la chose est trĂšs plausible —, il convient, il est en tout cas plaisant d’imaginer Chicard ralliant une bonne partie des fĂȘtards des Vendanges — dĂ©jĂ  costumĂ©s de carnaval, comme dit tout Ă  l’heure — au panache de son casque de carton, il Ă©tait en carton ! pour gravir par paquets le trajet qui serait une ou deux heures plus tard redescendu. Comme tous les bals de Paris, de celui de l’OpĂ©ra Ă  celui des VariĂ©tĂ©s, dĂ©versaient aussi, au mĂȘme moment, dans la rue du Faubourg-du-Temple leurs contingents de noceurs les plus endurants, la file Ă  l’indienne de tous ces gens montants, Ă  pied, Ă  cheval et en voiture, composait une maniĂšre de rĂ©pĂ©tition Ă  l’envers du tableau de la Descente. Dans une exubĂ©rance encore mesurĂ©e car il s’agissait pour les personnes d’économiser des forces dĂ©jĂ  bien entamĂ©es, de les rassembler afin de les dĂ©chaĂźner au mieux sous peu. Image XX. Estampe pour la publication spĂ©cialisĂ©e Le Pont Neuf, sĂ©rie ’ScĂšnes théùtrales’’. Cette folie-vaudeville, Ɠuvre de Benjamin Antier et Louis Couailhac — amusons-nous un peu entre parenthĂšses en rappelant que ces auteurs sont justement ceux que Jacques PrĂ©vert fait tourner en ridicule par FrĂ©dĂ©rick LemaĂźtre dans son scĂ©nario des Enfants du paradis » —, fut créée en fĂ©vrier 1840 avec succĂšs et constitua une publicitĂ© authentique pour l’établissement du sieur Charlier. L’acte II, Ă  tableau unique, se dĂ©roule en effet sous les lustres du grand salon du restaurant, reconstituĂ© sur scĂšne, dĂ©corĂ© d’une statue en bois portant un gros verre de couleur. Les acteurs dansent le quadrille Ă  la scĂšne 1 et la derniĂšre met en pied Chicard en personne lançant le fameux galop. Pendant celui-ci, on entend ce chƓur immortel Oui, ce monde est un grand bal / OĂč chacun s’pousse / Et s’trĂ©mousse / Chacun cherche Ă  faire sa mousse / En dansant tant bien que mal. » Texte de la piĂšce Ă  la BNF Arts du spectacle, cote 8-RF-40037. Au Grand Saint-Martin » LĂ -haut, devant et Ă  l’intĂ©rieur du grand cabaret DĂ©noyez, c’était dĂ©jĂ  la foule. Croisons dans un tĂ©moignage duel les voix dĂ©jĂ  entendues d’Auguste Luchet et du discret M. R*** Desnoyez [sic] ! s’exclame ce dernier, quel Parisien n’a pas entendu parler de Desnoyez ? Qui n’a voulu voir ce vaste restaurant les jours oĂč la foule s’y transporte ? » Luchet renchĂ©rit sur son confrĂšre Nous passĂąmes la barriĂšre et je fis arrĂȘter au Grand Saint-Martin, la plus illustre maison de la Courtille, tenue par un membre de cette famille qui a su rendre son nom aussi populaire que celui de Ramponneau, la famille DĂ©noyez. » [34] Dans les annĂ©es 1840, les carnavaliers s’assembleront dĂ©sormais dans le nouveau salon de bal que ce DĂ©noyez avait fait construire au 8 de la rue de Belleville en lui donnant l’enseigne des Folies-Belleville, nom lĂ©gendaire encore marquĂ© de nos jours. Sur le site Internet mĂȘme oĂč nous sommes, on pourrait lire Ă  propos notre article Deux bars Ă  Belleville », qui sera d’ailleurs lui aussi mis en partie Ă  jour prochainement.]]. » Affiche publicitaire du lancement d’un roman-feuilleton Ă  la gloire du dandy Charles de Labatut en 1865. A peine mort, jeune, Ă  l’ñge de 29 ans, la lĂ©gende s’empara de lui. BNF Gallica. CHANTIER RESIDUEL Quel coup d’Ɠil curieux ! quels tableaux ! quels contrastes ! Sur une table est couchĂ© un homme auquel l’ivresse a ĂŽtĂ© l’usage de tous ses sens ; Ă  cĂŽtĂ© de lui deux autres entonnent sa chanson de la mort, cĂ©lĂšbrent sa dĂ©faite, et se rĂ©jouissent de leur victoire ; plus loin un militaire buvant avec une cuisiniĂšre ; un menuisier faisant sa dĂ©claration Ă  une blanchisseuse chaque table, chaque coin de la salle vous offre un spectacle nouveau. » On danse aussi chez DĂ©noyez BientĂŽt, le signal est donnĂ©, poursuit notre chroniqueur discret, l’archet a retenti, les danseurs se rendent auprĂšs de leurs dames ; on se parle on se heurte, on se donne des rendez vous. L’ouvrier est jaloux, le sapeur est fier de sa taille, le voltigeur de sa danse lĂ©gĂšre que de maris, que d’amants trompĂ©s ! La danse est terminĂ©e on se serre la main, on boit, on danse encore, on s’enivre, on ne peut plus marcher, on se laisse enfin tomber sur une table, on dort. » Nous passĂąmes la barriĂšre et je fis arrĂȘter au Grand Saint-Martin, la plus illustre maison de la Courtille, tenue par un membre de cette famille qui a su rendre son nom aussi populaire que celui de Ramponneau, la famille DĂ©noyez. » Retrouvons le journaliste Auguste Luchet au moment de son reportage » oĂč il descend de la voiture qui l’a conduit, lui et quelque compagnon, ici L’affirmation est indiscutable et la Descente amplifiera encore la renommĂ©e de cette guinguette. Le chroniqueur montre que la Descente amplifia encore. Peu importe, quelque masque se chargera bien de rĂ©veiller l’avachi pour qu’il ne rate pas le dĂ©part du dĂ©filĂ©. M. LĂ©vĂȘque, le maĂźtre de cĂ©rĂ©monie de cette folie dansante est reprĂ©sentĂ© dans un vaudeville Ă  succĂšs de 1841, Un bal aux Vendanges de Bourgogne » [35], authentique publicitĂ© pour l’établissement du sieur Charlier. L’acte II se dĂ©roule sous les lustres du salon du restaurant reconstituĂ© sur scĂšne, dĂ©corĂ© d’une statue en bois portant un gros verre de couleur. Les personnages de l’action dramatique dansent le quadrille Ă  la scĂšne 1 et la derniĂšre met en pied Chicard. Cela chante en mĂȘme temps et, au refrain, on entend le chƓur immortel suivant Oui, ce monde est un grand bal / OĂč chacun s’pousse / Et s’trĂ©mousse / Chacun cherche Ă  faire sa mousse / En dansant tant bien que mal. » Chicard
 Tout le long de l’annĂ©e, le tumulte de telles exhibitions, aux Vendanges ou dans les autres Ă©tablissements que M. LĂ©vĂȘque enflammait [36], rĂ©sonnait dans la chronique parisienne et ses Ă©chos dĂ©bordaient les murs de la capitale Lorsqu’on prononçait ce seul nom – Chicard –, en province, les jeunes fille se signaient », Ă©crit l’illustre dessinateur Paul Gavarni dans sa sĂ©rie du Bal Chicard images 14-16. et Milord lArsouille Chicard, c’est clair, a Ă©tĂ© le vĂ©ritable chef de dĂ©filĂ© aux plus belles annĂ©es de la Descente. Dans son travestissement habituel un costume militaire loufoque avec casque Ă  plumet, grosse culotte et bottillons, il apparaĂźt dans la plupart des dessins faits de la manifestation carnavalesque, dressĂ© sur un attelage, les bras le plus souvent levĂ©s en V revoir les images 1, 3, 5 et 12. Insister sur ce point, c’est corriger la part de la lĂ©gende qui fait volontiers de Milord l’Arsouille la plus remarquable figure des dĂ©filĂ©s de la Courtille. En vĂ©ritĂ©, sa participation fut limitĂ©e Ă  quelques Ă©ditions du dĂ©but des annĂ©es 1830. La pesanteur de la lĂ©gende jusqu’à nos jours est cependant telle que nous ne pensons pas dĂ©placĂ© d’opĂ©rer un petit dĂ©gonflage de baudruche. Tout d’abord, et on l’a dĂ©jĂ  dit, ce milord a Ă©tĂ© confondu avec lord Seymour [37]. Les deux hommes se firent remarquer par leurs extravagances mais ne jouaient pas dans la mĂȘme cour bien qu’ils se soient effectivement croisĂ©s [38]. Henry Seymour Ă©tait un authentique aristocrate, rejeton d’une prestigieuse lignĂ©e anglaise remontant au XVe siĂšcle. Il promenait un dandysme haut de gamme dans les salons des plus luxueux cafĂ©s des Grands Boulevards ou sur les champs de courses hippiques dont il a lancĂ© la vogue en France, s’y livrant moins Ă  des excentricitĂ©s qu’à des gestes publics ostentatoires. L’Arsouille, lui, frimait ses quartiers de noblesse, Ă©tant surtout un parvenu. Il s’appelait en vrai Charles de la Battut. NĂ© en 1806 d’une Française Ă©migrĂ©e outre-Manche et d’un pharmacien anglais argentĂ©, le petit Charles ne put ĂȘtre reconnu par son pĂšre. Celui-ci paya alors un petit hobereau breton sans prĂ©jugĂ©s et fortune, monsieur de la Battut, pour qu’il le fasse Ă  sa place. MĂ©diocre Ă©lĂšve Ă  l’étude scolaire, gamin montĂ© en graine », le futur l’Arsouille traĂźna dans l’ignorance, la paresse et le dĂ©sƓuvrement jusqu’à ce que son pĂšre biologique, mourant, se souvĂźnt de lui, relate Henri d’AlmĂ©ras*. Entre 1832 et 1835, Ă  Paris, on le vit dilapider son hĂ©ritage en frasques minables, se battre comme un chiffonnier dans les bouges des barriĂšres et autres lieux de dĂ©bauche oĂč il aimait Ă  s’encanailler – le sobriquet l’Arsouille vient de lĂ  [39]. La fortune qui, lĂ©guĂ©e par son pĂšre, lui tomba dessus Ă  l’ñge de 26 ans – 100 000 livres sterling, avance le docteur Chuche*, emblĂ©matique historien bellevillois–, vint Ă  point pour rĂ©parer des frustrations, car le bĂątard ambitionnait de se faire un nom. Ses goĂ»ts de m’as-tu-vu acquirent alors de nouvelles dimensions il loua des salles de concert pour y donner des bals tapageurs, organisa des chasses Ă  courre fantasques, rapporte Maxime du Camp, Ă©tala sa vanitĂ© dans les restaurants en vogue. Les trois jours gras de la fin du carnaval, il cavalcadait » sur les boulevards entre le ChĂąteau-d’Eau place de la RĂ©publique de nos jours et la Madeleine Ă  bord d’une belle calĂšche chargĂ©e de femmes aux parures voyantes et de musiciens de fanfare bruyants. C’est trĂšs certainement lui que le peintre EugĂšne Lami reprĂ©sente au centre d’une toile de 1834 costumĂ© en roi Henri III. Voyez-le, en blanc, debout au fond de la voiture Image 17. Peinte par EugĂšne Lami en 1834, une scĂšne de carnaval place de la Concorde. L’artiste a sans doute figurĂ© l’Arsouille, travesti en gentilhomme Henri III, aux cĂŽtĂ©s du prince russe et cĂ©lĂšbre gourmet Anatole Demidoff, habillĂ© quant Ă  lui en Figaro. © MusĂ©e Carnavalet. Le dandysme de milord l’Arsouille, particuliĂšrement affichĂ© au travers de sa participation Ă  la procession populaciĂšre » de la Courtille, Ă©pousait des contours assez mĂ©prisables. Cela est dĂ©jĂ  suggĂ©rĂ© dans le rĂ©cit de Luchet* que nous avons citĂ© au sein du chapitre Le film de l’évĂ©nement » et fait nettement saillie sous la plume d’Émile de LabĂ©dolliĂšre* dans son Nouveau Paris Debout dans sa luxueuse calĂšche, Ă©crit cet auteur, Milord l’Arsouille, en redingote noire et pantalon bleu ciel, le chapeau sur l’oreille, lançait aux spectateurs des quolibets, parfois des piĂšces de monnaie. [
] Chaque annĂ©e, le sĂ©jour de Milord l’Arsouille Ă  la Courtille lui fournissait l’occasion de nouvelles et coĂ»teuses excentricitĂ©s de la fenĂȘtre du cabaret [celui de DĂ©noyez], il bombardait les passants de volailles. Il lançait des piĂšces d’or passĂ©es dans l’huile bouillante pour s’amuser de voir se brĂ»ler ceux qui les ramassaient. Il Ă©tait dans la jubilation, il riait Ă  se tordre. » Pas trĂšs sympathique, le lascar, vrai. Il renouvelait ses facĂ©ties aux Vendanges de Bourgogne oĂč, entre deux plats, relate encore LabĂ©dolliĂšre, il arrosait de champagne les carnavaliers par les fenĂȘtres de l’établissement. Pour ne pas ĂȘtre en retrait, ses compagnons de ripaille jetaient Ă  leur tour aux masques des Ă©cailles d’huĂźtres, les restes de leurs assiettes et, finalement, les assaillis rĂ©pliquant, les assiettes elles-mĂȘmes, les verres ainsi que d’autres piĂšces du service de table. Le tenancier du restaurant, Charlier, ne se formalisait pas outre mesure de cette casse car le dandy voyou le dĂ©dommageait toujours largement. Splendeur de l’imaginaire Image 16. Carte postale publicitaire d’un spectacle de 1900 Ă  l’écho de la Descente. Gallica Image 19. Ceci est bien la descente de la Courtille ». © Tirage de photo au Centro cultural Borges, Buenos Aires Tradition, souvenir ou lĂ©gende, la descente de la Courtille n’en a pas moins continuĂ©, longtemps, Ă  alimenter l’imaginaire parisien. La Descente comme allĂ©gorie de Paris, en quelque sorte. Restons sur la touche de la surprise pour mieux conclure. On ne sait pas assez, en effet, qu’une Ɠuvre de Richard Wagner, la WWV 65, s’intitule Descendons gaiement la Courtille. C’est un chƓur mixte sur des paroles en français. Que pouvait bien avoir Ă  faire le grand compositeur allemand du mythologique Ring des Nibelungen sur ce thĂšme on ne peut plus trivial et parisien ? se demande-t-on. Eh bien, il s’agit d’une commande passĂ©e au musicien dans sa jeunesse, alors qu’il menait une vie de bohĂšme Ă  Paris, en 1841. TrĂšs prĂ©cisĂ©ment, la composition Ă©tait prĂ©vue pour la pantomime finale de ce vaudeville de Dumersan et Dupeuty dont il a Ă©tĂ© parlĂ© plus haut. Wagner exĂ©cuta consciencieusement la commande mais le chƓur qu’il livra Ă©tait, Ă  ce qu’il paraĂźt, si peu facile Ă  chanter qu’on n’en joua finalement que la musique en reprĂ©sentation. Cette Ɠuvre rare, demeurĂ©e non gravĂ©e pendant plus de cent ans, peut aujourd’hui s’entendre. Elle sonne comme de l’Offenbach ! Écoutez voir plutĂŽt Ă  Richard Wagner - Descendons gaiement la courtille, WWV65 Maxime Braquet - Avril 2016 Toute utilisation en dehors du cadre privĂ© ou scolaire doit faire l’objet d’une demande auprĂšs de l’association la Ville des Gens info chez ou de M. Braquet bramax2013 chez Les livres listĂ©s ci-aprĂšs ne sont gĂ©nĂ©ralement lisibles qu’en grandes bibliothĂšques. Certains peuvent ĂȘtre lus en ligne Ă  partir du site Internet Gallica BNF. Les Rues de Paris, ancien et moderne origines, histoire, monuments, costumes, mƓurs, chronique et traditions, ouvrage collectif sous la direction de Louis Lurine, Ă©d. Kugelman, 1844. Henri d’AlmĂ©ras, La Vie parisienne sous Louis-Philippe, Ă©d. originelle autour de 1859, ultĂ©rieure chez Albin Michel. A lire particuliĂšrement pour Milord l’Arsouille. Vicomte de Beaumont-Vassy, Les Salons de Paris et la sociĂ©tĂ© parisienne sous Louis-Philippe Ier, Ă©d. F. Satorius, 1866. Docteur Chuche, Paris d’autrefois, la Courtille, Ă©d. Imprimerie toulousaine, 1932. Certaines bibliothĂšques municipales de l’Est parisien. A lire particuliĂšrement pour Milord l’Arsouille. Taxile Delord, Le Chicard », dans Les Français peints par eux-mĂȘmes, recueil de textes, tome II, 1867. Avec des dessins de Paul Gavarni. Victor Fournel, Les Rues du vieux Paris, Ă©d. Firmin-Didot, 1879, pour le chapitre sur l’histoire du carnaval Ă  Paris. Alexandre Dumas, MĂ©moires 1833-1846, multiples Ă©ditions dont Robert Laffont, Bouquins », 2002. Paul de Kock, MĂ©moires, Ă©d. E. Dentu, 1877. Texte intĂ©gral tĂ©lĂ©chargeable Ă  partir de Gallica. Émile de LabĂ©dolliĂšre, Le Nouveau Paris, Ă©d. Barba, 1860. Auguste Lagarde Emmanuel Patrick, Bals disparus de Paris », article sorti en feuilleton dans le quotidien socialiste L’ÉgalitĂ© entre mars et mai 1891. Comme beaucoup d’auteurs qui, Ă©crivant aprĂšs 1880 sur ce sujet, n’en ont gĂ©nĂ©ralement pas Ă©tĂ© des tĂ©moins directs, Lagarde pompe » certains Ă©lĂ©ments d’information dans l’article de Pierre Larousse pour son Grand Dictionnaire universel du XIXe siĂšcle. Auguste Luchet, La descente de la Courtille en 1833 », dans Le Livre des 101, textes rĂ©unis sous la direction de M. de Peyronne, Ă©d. Ladvocat, 1833. Alexandre Privat d’Anglemont, Paris anecdote, Ă©d. P. Jannet, 1854. A lire spĂ©cialement pour les Vendanges de Bourgogne et Chicard. Réédition 2017 chez Grasset, Cahiers rouges ». M. R**, Promenade a tous les bals publics de Paris, barriĂšres et gui[n]guettes de cette capitale, ou revue historique et descriptive de ces lieux
, Ă©d. Terry jeune, 1830. Charles VirmaĂźtre, Paris oubliĂ©, Ă©d. E. Dentu, 1885. AndrĂ© Warnod, La descente de la Courtille en 1922 », dans La Renaissance du 25 fĂ©vrier 1922. Ne pas nĂ©gliger de lire, sur le Net, l’article WikipĂ©dia consacrĂ© Ă  la Descente ; il est lui aussi richement documentĂ©. Auguste Luchet Dans le salon du premier Ă©tage, au milieu d’un double encadrement de huit rangĂ©es de tables encombrĂ©es de buveurs ivres, malades ou endormis, debout, assis ou couchĂ©s, un carrĂ© long, ceint d’une balustrade en bois, surmontĂ© d’un orchestre, attira d’abord mon attention. Une quarantaine de masques y dansaient au son d’une musique sauvage, toute de cuivre [
] la chahut. » Ce sont des scĂšnes excessives de ce genre qui firent dire Ă  maints chroniqueurs bien-pensants que la guinguette des DĂ©noyez Ă©tait un cloaque populacier ». Pour revenir Ă  l’endroit oĂč vous lisiez le texte, cliquez sur le numĂ©ro de la note de bas de page. , fit fonctionner aux Vendanges une formule de soirĂ©e assez exceptionnelle dans tout Paris.[1] CĂ©lestin François Nanteuil-LebƓuf 1813-1873, trop volontiers classĂ© au rangs des petits maĂźtres romantiques, fut un Ă©lĂšve de Charles Gleyre et de Jean-Auguste Ingres. L’image du tableau, de grandes dimensions, dont nous parlons est souvent reproduite en rĂ©duction dans les ouvrages consacrĂ©s au Paris du XIXe siĂšcle et presque tout le temps dans les livres vouĂ©s Ă  Belleville. On en savoure mieux les qualitĂ©s Ă  Ă©chelle normale, donc Ă  Carnavalet.[3] Au-delĂ  de 1945, une seule manifestation carnavalesque se perpĂ©tua, le dĂ©filĂ© multisĂ©culaire du BƓuf gras. A son tour, elle entra peu Ă  peu en dĂ©suĂ©tude, changea de caractĂšre puis mourut. Notons toutefois que, depuis une vingtaine d’annĂ©es, des associations de quartier tentent de redonner vie au carnaval Ă  Paris. Tout en souhaitant la rĂ©ussite de ces initiatives trĂšs sympathique, plus ou moins parrainĂ©es par les municipalitĂ©s, il faut observer qu’elles sont pour le moment locales et non coordonnĂ©es.[4] Un auteur du siĂšcle XIX que nous reverrons bientĂŽt Ă©crivit Cette fĂȘte Ă©tait tellement populaire que les ouvriers Ă©conomisaient sur leur paye pendant toute l’annĂ©e pour bien finir leur carnaval. »[6] Rappelons tout de mĂȘme la pratique de la mi-carĂȘme une suspension d’un jour du jeĂ»ne. Des mascarades dĂ©filaient aussi pour l’occasion mais moins extravagantes.[7] Dans tout ce chapitre riche en longues citations d’auteurs, des lieux prĂ©cis et des personnages tels les DĂ©noyez sont nommĂ©s qui seront prĂ©sentĂ©s plus loin dans l’article.[8] Octroi Ă  cet endroit, comme tout autour du Paris d’alors sur les grands axes de circulation, un service de douane percevait le montant des taxes qui frappaient l’entrĂ©e des marchandises dans la capitale. L’octroi, reportĂ© en 1847 au niveau des fortifications militaires de Thiers, au long de nos boulevards des marĂ©chaux », a Ă©tĂ© supprimĂ© en 1943.[9] N’en dĂ©plaise au chauvinisme bellevillois, la Descente Ă©tait un phĂ©nomĂšne avant tout parisien. Une bonne partie de la population locale, celle composĂ©e de rĂ©sidents issus des classes sociales moyennes, n’affectionnait guĂšre, d’ailleurs, cette turbulence.[10] Qu’est-ce qu’une courtille » ? C’est un vieux vocable du français rural. Il dĂ©signe un domaine de jardins courtils clos vouĂ©s Ă  la culture maraĂźchĂšre, activitĂ© agricole qui reprĂ©senta de fait, avant le XIXe siĂšcle, la vocation par excellence du pays au bas de la cĂŽte bellevilloise vers Paris. Des Courtilles, il y en a eu un peu partout en rĂ©gion parisienne et il en demeure aujourd’hui encore, aux confins d’AsniĂšres et de Gennevilliers, par exemple, ou bien Ă  Saint-Denis ; c’est pourquoi les cartographes prĂ©cisaient souvent de Belleville » en ce qui concerne celle qui nous intĂ©resse ici.[11] L’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, cela avait Ă©tĂ© pire dans l’insouciance complĂšte, les Parisiens se laissĂšrent aller aux griseries carnavalesques alors que leur ville couvait dĂ©jĂ  une Ă©pouvantable Ă©pidĂ©mie de cholĂ©ra-morbus qui, bientĂŽt, ferait des centaines de morts.[12] Cette maison de boisson, qui sera prĂ©sentĂ©e plus loin dans l’article, Ă©tait le principal point de regroupement des descendeurs ».[13] Ce chiffrage, Ă©norme, paraĂźt trahir une coquille typographique un zĂ©ro de trop. Pourtant, d’autres articles de presse le confirment. Il est colossal pour l’époque ![14] Sur le boulevard du Temple d’avant l’amĂ©nagement de l’actuelle place de la RĂ©publique.[15] Autre point de rendez-vous des masques avant le dĂ©marrage du dĂ©filĂ©. Il Ă©tait situĂ© au 23 actuel de notre rue de Belleville. Le trop-plein du DĂ©noyez se dĂ©versait encore au BƓuf rouge, 34, rue de Belleville, au Bal FaviĂ©, remplaçant en 1830 le Bal du Sauvage, 13, rue de Belleville, au ChĂąteau de coq, 4, rue de Belleville, et Ă  la Vielleuse, 2, rue de Belleville, au coin du boulevard.[16] Texte Ă  la BNF site Arsenal, THN-6791 ; site Richelieu Arts du spectacle », 8-REC-112 4, 6.[17] PercĂ© Ă  partir de 1822 et livrĂ© Ă  la circulation mariniĂšre en 1825, le canal ne verra recouvrir ses eaux au bas de la cĂŽte du faubourg du Temple qu’en 1908. Le modeste ouvrage de voirie qu’empruntait Ă  l’origine la Descente, dont l’étroitesse ralentissait encore la procession, a Ă©tĂ© remplacĂ© par une structure plus ample au cours des annĂ©es 1840.[18] Lire, de Michelle Viderman, l’ouvrage de rĂ©fĂ©rence Jean Ramponeau, Parisien de Vignol, Ă©d. L’Harmattan, 1998.[19] Goguettes, compagnies de poĂštes chantants, rĂ©unissant des ouvriers d’humeur frondeuse et plutĂŽt rĂ©publicaine dans la France de la restauration monarchique entre 1815 et 1848. On pourra lire Ă  ce propos notre texte MĂ©nilmontant en goguettes. A l’aube du mouvement ouvrier, bulletin n° 38 — dernier trimestre 2007 – de l’Association d’histoire et d’archĂ©ologie du 20e arrondissement.[20] Et pourquoi douterait-on Ă  priori de son information, mĂȘme s’il eĂ»t Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rable qu’il en indiquĂąt la source car, c’est clair, il n’a pu ĂȘtre le tĂ©moin direct, oculaire, des faits qu’il rapporte.[21] Les Magasins rĂ©unis fonctionnaient encore il y a une vingtaine d’annĂ©es. Aujourd’hui, leur bĂątiment est divisĂ© entre plusieurs sociĂ©tĂ©s commerciales. Parmi elles, un grand hĂŽtel Crowne Plaza occupe Ă  peu prĂšs l’emplacement du Cirque olympique.[22] Restaurant en effet plus que cabaret, cet Ă©tablissement prisĂ© d’une clientĂšle plutĂŽt chic Ă©tait situĂ© au cƓur du village historique de Belleville et faisait face Ă  la vieille Ă©glise Saint-Jean-Baptiste.[23] Martin Nadaud, MĂ©moires de LĂ©onard, ancien garçon maçon, Ă©d. A. Doubeix, 1895. Multiples rééditions. Typique de ces paysans pauvres du Limousin qui, se faisant maçon, montaient » pour six-neuf mois Ă  Paris afin de travailler, notamment, Ă  la construction des gares, l’ouvrier Nadaud, occasionnellement Ă©crivain, dĂ©veloppa une carriĂšre politique. Cette carriĂšre, commencĂ©e avec une dĂ©putation montagnarde » en 1848, il l’acheva, aprĂšs la Commune, comme conseiller municipal de Paris pour le 20e arrondissement – oĂč il a de nos jours une place et un lycĂ©e professionnel Ă  son nom – puis prĂ©fet de la Creuse.[24] On en peut lire le texte Ă  la BNF Richelieu Arts du spectacle », 8-REC-112 4, 6.[25] Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusqu’en 1850, Ă©d. Blanchard, Hetzel & Martinon, 1852. A la place, l’auteur, forçant la touche sinistre, voit des rues fĂ©tides et boueuses, de laides maisons meublĂ©es de millions de tables, une foule immonde et brutale, quelquefois criminelle ». M. LavallĂ©e, Ă  n’en pas douter, fit partie du monde que l’insurrection ouvriĂšre de juin 1848, bien prĂ©sente Ă  Belleville, traumatisa beaucoup.[26] L’ancien mur des Fermiers-GĂ©nĂ©raux, qui, de toute façon, mal entretenu et gardĂ©, ne faisait plus guĂšre peur aux fraudeurs, fut totalement dĂ©montĂ©, avec ses barriĂšres, en 1860.[27] L’Arsouille, milord l’Arsouille, ce personnage semi-lĂ©gendaire sera prĂ©sentĂ© sous peu.[28] Grand dialoguiste de cinĂ©ma, Henri Janson, soit dit en passant, se souvenait certainement de ce dessin de l’illustre caricaturiste romantique quand, commentant pour Le Canard enchaĂźnĂ© l’interprĂ©tation du rĂŽle de Ponce Pilate que rĂ©alise Jean Gabin dans le Golgotha de Julien Duvivier 1935, il lĂąchait Ce n’est pas du Golgotha qu’il descend, lui, mais de la Courtille ! »[29] En 1826, rapporte ainsi le journaliste Auguste Luchet*, les vastes salons des Vendanges accueillirent un banquet de 700 oppositionnels au gouvernement du roi Charles X. La politique continua de siĂ©ger en ce lieu aux lendemains des Trois Glorieuses Alexandre Dumas, rĂ©publicain dĂ©clarĂ©, consacre un chapitre de ses MĂ©moires* au compte rendu d’un banquet cette fois antimonarchiste pur teint tenu lĂ  le 9 mai 1831, oĂč 200 personnes se rendirent dont le mathĂ©maticien Évariste Galois Il eĂ»t Ă©tĂ© difficile, s’exclame l’auteur des Trois Mousquetaires, de trouver dans tout Paris des convives plus hostiles au gouvernement que ne l’étaient ceux qui se trouvĂšrent rĂ©unis, Ă  5 heures de l’aprĂšs-midi, dans une longue salle du rez-de-chaussĂ©e sur le jardin. » On y porta diffĂ©rents toasts ; celui de Dumas fut A l’art ! Puissent la plume et le pinceau concourir aussi efficacement que le fusil et l’épĂ©e Ă  cette rĂ©gĂ©nĂ©ration sociale Ă  laquelle nous avons vouĂ© notre vie, et pour laquelle nous sommes prĂȘts Ă  mourir. »[30] C’est alors que ses affaires allaient au meilleur train que, en 1843, l’établissement fut pourtant contraint Ă  fermer ses portes, frappĂ© qu’il Ă©tait d’expropriation. Les bĂątiments bas qui abritaient les Vendanges devaient cĂ©der la place au bloc d’immeubles de six Ă©tages avec cours que nous voyons encore de nos jours au pied de la cĂŽte de la rue du Faubourg-du-Temple.[31] Ils avaient pour sobriquets Balochard, le Sauvage civilisĂ©, et PĂ©trin. Avec Balochard, Chicard a Ă©crit en 1841 une Physiologie des bals de Paris Ă©d. Desloges oĂč l’on lit ce cri du cƓur O danse de la Courtille, que tu me plais. Comme ta robe est gentiment retroussĂ©e. » Balochard, habillĂ© en bourgeron et pantalon de grosse cavalerie, se donnait le type de l’ouvrier grande gueule et spirituel. PĂ©trin, comme son nom l’indique, jouait au boulanger, avec un large tablier et des mules de paille selon Charles Marchal, Physiologie du chicard, 1842. [34] Nous avons dĂ©jĂ  parlĂ© de Gilles ; il eut pour successeurs d’abord son propre fils Jean-Claude — sans doute celui que les chroniqueurs surnommĂšrent papa DĂ©noyez — puis des neveux, les enfants de son frĂšre Jean. A la pleine Ă©poque de la Descente, les annĂ©es 1830-1837, le taulier » de l’établissement Ă©tait Jean-Gilles. La gĂ©nĂ©alogie des DĂ©noyez de Belleville — voire de la barriĂšre du Maine — est trĂšs complexe Ă  Ă©tablir. Nous avons tentĂ© de le faire en 2004 dans le texte La Gloire de la Courtille » publiĂ© par l’Association d’histoire et d’archĂ©ologie du 20e arrondissement, bulletin n° 30. En vĂ©ritĂ©, l’écheveau de la filiation est plus filandreux que ce que nous en montrions. Notre confrĂšre en recherche historienne Denis Goguet tente prĂ©sentement d’aller au terme du problĂšme et communiquera bientĂŽt le rĂ©sultat de ses efforts. [35] ƒuvre de Louis Couailhac et Benjamin Antier créée au mois de fĂ©vrier 1841 au Théùtre Saint-Antoine. Amusons-nous un peu en rappelant que ces auteurs sont justement ceux que Jacques PrĂ©vert fait tourner en ridicule par FrĂ©dĂ©rick LemaĂźtre dans son scĂ©nario des Enfants du paradis. Le texte de la piĂšce se peut lire Ă  la BNF Richelieu Arts du spectacle », 4-ICO THE 3770. [36] Chicard fera, dans les annĂ©es 1846-1848, les belles heures du grand bal public Mabille, sur les Champs-ElysĂ©es, oĂč, dit-on, il aura des assistantes cĂ©lĂšbres en la double personne des courtisanes CĂ©leste Mogador et reine PomarĂ©. [37] L’écrivain Maxime du Camp dĂ©montait dĂ©jĂ  trĂšs bien la mĂ©prise dans Les Convulsions de Paris 1881. [38] Ces hommes, rapportent d’AlmĂ©ras* et du Camp voir note prĂ©cĂ©dente, n’apprĂ©ciĂšrent pas mieux l’un que l’autre que la rumeur les confonde. Ils cherchĂšrent Ă  dissiper l Ă©quivoque mais sans rĂ©ussite. Victor Hugo Ă©voque les extravagances de lord Seymour dans Les MisĂ©rables. [39] Certains chroniqueurs le rangent parmi les aficionados des combats d’animaux qui, malgrĂ© les campagnes d’opinion organisĂ©es pour les faire interdire, se donnaient avec succĂšs Ă  la barriĂšre d’octroi prĂ©cisĂ©ment dite du Combat place du Colonel-Fabien. On a dit aussi Charles de la Battut adepte des nobles arts martiaux mais il est ici clair qu’on lui prĂȘte une passion appartenant en rĂ©alitĂ© Ă  lord Henry Seymour, dĂ»ment connu comme pionnier de la boxe française ou anglaise.

DĂ©signeun chapeau de paille de forme ovale Ă  fond plat, Ă  bord plats et nouĂ© d’un ruban portĂ© par les hommes Ă  la fin du XIXe siĂšcle en Ă©tĂ©. Ce chapeau figure dans nombre de tableaux impressionnistes reprĂ©sentant des loisirs de plein air ou des guinguettes. Les fervents de canotage (sur les bords de Marne ou de Seine) le mirent Ă  la mode, d’oĂč son nom. « Retour

Retour au menu Retour Ă  la rubrique feuilletons Écoute ou tĂ©lĂ©chargement CommentairesBiographie ou informations+++ Chapitre Suivant +++ Chapitre prĂ©cĂ©dentTexte ou Biographie de l'auteurEugĂ©nie GrandetPartie 4Au lieu de sortir par la porte de la salle qui donnait sous la voĂ»te, Grandet fit la cĂ©rĂ©monie de passer par le couloir qui sĂ©parait la salle de la cuisine. Une porte battante garnie d'un grand carreau de verre ovale fermait ce couloir du cĂŽtĂ© de l'escalier afin de tempĂ©rer le froid qui s'y engouffrait. Mais en hiver la brise n'en sifflait pas moins par lĂ  trĂšs rudement, et, malgrĂ© les bourrelets mis aux portes de la salle, Ă  peine la chaleur s'y maintenait-elle Ă  un degrĂ© convenable. Nanon alla verrouiller la grande porte, ferma la salle, et dĂ©tacha dans l'Ă©curie un chien-loup dont la voix Ă©tait cassĂ©e comme s'il avait une laryngite. Cet animal d'une notable fĂ©rocitĂ© ne connaissait que Nanon. Ces deux crĂ©atures champĂȘtres s'entendaient. Quand Charles vit les murs jaunĂątres et enfumĂ©s de la cage oĂč l'escalier Ă  rampe vermoulue tremblait sous le pas pesant de son oncle, son dĂ©grisement alla rinforzando. Il se croyait dans un juchoir Ă  poules. Sa tante et sa cousine, vers lesquelles il se retourna pour interroger leurs figures, Ă©taient si bien façonnĂ©es Ă  cet escalier, que, ne devinant pas la cause de son Ă©tonnement, elles le prirent pour une expression amicale, et y rĂ©pondirent par un sourire agrĂ©able qui le dĂ©sespĂ©ra. - Que diable mon pĂšre m'envoie-t-il faire ici ? se disait-il. ArrivĂ© sur le premier palier, il aperçut trois portes peintes en rouge Ă©trusque et sans chambranles, des portes perdues dans la muraille poudreuse et garnies de bandes en fer boulonnĂ©es, apparentes, terminĂ©es en façon de flammes comme l'Ă©tait Ă  chaque bout la longue entrĂ©e de la de ces portes qui se trouvait en haut de l'escalier et qui donnait entrĂ©e dans la piĂšce situĂ©e au-dessus de la cuisine, Ă©tait Ă©videmment murĂ©e. On n'y pĂ©nĂ©trait en effet que par la chambre de Grandet, Ă  qui cette piĂšce servait de cabinet. L'unique croisĂ©e d'oĂč elle tirait son jour Ă©tait dĂ©fendue sur la cour par d'Ă©normes barreaux en fer grillagĂ©s. Personne, pas mĂȘme madame Grandet, n'avait la permission d'y venir, le bonhomme voulait y rester seul comme un alchimiste Ă  son fourneau. LĂ , sans doute, quelque cachette avait Ă©tĂ© trĂšs habilement pratiquĂ©e, lĂ  s'emmagasinaient les titres de propriĂ©tĂ©, lĂ  pendaient les balances Ă  peser les louis, lĂ  se faisaient nuitamment et en secret les quittances, les reçus, les calculs ; de maniĂšre que les gens d'affaires, voyant toujours Grandet prĂȘt Ă  tout, pouvaient imaginer qu'il avait Ă  ses ordres une fĂ©e ou un dĂ©mon. LĂ , sans doute, quand Nanon ronflait Ă  Ă©branler les planchers, quand le chien-loup veillait et bĂąillait dans la cour, quand madame et mademoiselle Grandet Ă©taient bien endormies, venait le vieux tonnelier choyer, caresser, couver, cuver, cercler son or. Les murs Ă©taient Ă©pais, les contrevents discrets. Lui seul avait la clef de ce laboratoire, oĂč, dit-on, il consultait des plans sur lesquels ses arbres Ă  fruits Ă©taient dĂ©signĂ©s et oĂč il chiffrait ses produits Ă  un provin, Ă  une bourrĂ©es de la chambre d'EugĂ©nie faisait face Ă  cette porte murĂ©e. Puis, au bout du palier, Ă©tait l'appartement des deux Ă©poux qui occupaient tout le devant de la maison. Madame Grandet avait une chambre contiguĂ« Ă  celle d'EugĂ©nie, chez qui l'on entrait par une porte vitrĂ©e. La chambre du maĂźtre Ă©tait sĂ©parĂ©e de celle de sa femme par une cloison, et du mystĂ©rieux cabinet par un gros mur. Le pĂšre Grandet avait logĂ© son neveu au second Ă©tage, dans la haute mansarde situĂ©e au-dessus de sa chambre, de maniĂšre Ă  pouvoir l'entendre, s'il lui prenait fantaisie d'aller et de venir. Quand EugĂ©nie et sa mĂšre arrivĂšrent au milieu du palier, elles se donnĂšrent le baiser du soir ; puis, aprĂšs avoir dit Ă  Charles quelques mots d'adieu, froids sur les lĂšvres, mais certes chaleureux au coeur de la fille, elles rentrĂšrent dans leurs Vous voilĂ  chez vous, mon neveu, dit le pĂšre Grandet Ă  Charles en lui ouvrant sa porte. Si vous aviez besoin de sortir, vous appelleriez Nanon. Sans elle, votre serviteurs ! le chien vous mangerait sans vous dire un seul mot. Dormez bien. Bonsoir. Ha ! ha ces dames vous ont fait du feu, reprit-il. En ce moment la grande Nanon apparut, armĂ©e d'une bassinoire. - En voilĂ  bien d'une autre ! dit monsieur Grandet. Prenez-vous mon neveu pour une femme en couches ? Veux-tu bien remporter ta braise, Mais, monsieur, les draps sont humides, et ce monsieur est vraiment mignon comme une Allons, va, puisque tu l'as dans la tĂȘte, dit Grandet en la poussant par les Ă©paules, mais prends garde de mettre le feu. Puis l'avare descendit en grommelant de vagues demeura pantois au milieu de ses avoir jetĂ© les yeux sur les murs d'une chambre en mansarde tendue de ce papier jaune Ă  bouquets de fleurs qui tapisse les guinguettes, sur une cheminĂ©e en pierre de liais cannelĂ©e dont le seul aspect donnait froid, sur des chaises de bois jaune garnies en canne vernissĂ©e et qui semblaient avoir plus de quatre angles, sur une table de nuit ouverte dans laquelle aurait pu tenir un petit sergent de voltigeurs, sur le maigre tapis de lisiĂšre placĂ© au bas d'un lit Ă  ciel dont les pentes en drap tremblaient comme si elles allaient tomber, achevĂ©es par les vers, il regarda sĂ©rieusement la grande Nanon et lui dit - Ah çà ! ma chĂšre enfant, suis-je bien chez monsieur Grandet, l'ancien maire de Saumur, frĂšre de monsieur Grandet de Paris ?- Oui, monsieur, chez un ben aimable, un ben doux, un ben parfait monsieur. Faut-il que je vous aide Ă  dĂ©faire vos malles ?- Ma foi, je le veux bien, mon vieux troupier !N'avez-vous pas servi dans les marins de la garde impĂ©riale ?- Oh ! oh ! oh ! oh ! dit Nanon, quoi que c'est que ça, les marins de la garde ?C'est-y salĂ© ? Ça va-t-il sur l'eau ?- Tenez, cherchez ma robe de chambre qui est dans cette valise. En voici la fut tout Ă©merveillĂ©e de voir une robe de chambre en soie verte Ă  fleurs d'or et Ă  dessins Vous allez mettre ça pour vous coucher, Sainte-Vierge ! le beau devant d'autel que ça ferait pour la paroisse. Mais, mon cher mignon monsieur, donnez donc ça Ă  l'Ă©glise, vous sauverez votre Ăąme, tandis que ça vous la fera “Nanon fut tout Ă©merperdre. Oh ! que vous ĂȘtes donc veillĂ©e de voir une robe gentil comme ça, je vais appeler mademoiselle pour qu'elle vous Allons, Nanon, puisque Nanon il y a, voulez-vous vous taire ! Laissez-moi coucher, j'arrangerai mes affaires demain ; et si ma robe vous plaĂźt tant, vous sauverez votre Ăąme. Je suis trop bon chrĂ©tien pour vous la refuser en m'en allant, et vous pourrez en faire ce que vous resta plantĂ©e sur ses pieds, contemplant Charles, sans pouvoir ajouter foi Ă  ses Me donner ce bel atour ! dit-elle en s'en rĂȘve dĂ©jĂ , ce monsieur. Bonsoir, Qu'est-ce que je suis venu faire ici ? se dit Charles en s'endormant. Mon pĂšre n'est pas un niais, mon voyage doit avoir un but. Psch ! Ă  demain les affaires sĂ©rieuses, disait je ne sais quelle ganache Sainte-Vierge ! qu'il est gentil, mon cousin, se dit EugĂ©nie en interrompant ses priĂšres qui ce soir-lĂ  ne furent pas Grandet n'eut aucune pensĂ©e en se entendait, par la porte de communication qui se trouvait au milieu de la cloison, l'avare se promenant de long en long dans sa chambre. Semblable Ă  toutes les femmes timides, elle avait Ă©tudiĂ© le caractĂšre de son seigneur. De mĂȘme que la mouette prĂ©voit l'orage, elle avait, Ă  d'imperceptibles signes, pressenti la tempĂȘte intĂ©rieure qui agitait Grandet, et, pour employer l'expression dont elle se servait, elle faisait alors la regardait la porte intĂ©rieurement doublĂ©e en tĂŽle qu'il avait fait mettre Ă  son cabinet, et se disait - Quelle idĂ©e bizarre a eue mon frĂšre de me lĂ©guer son enfant ? Jolie succession ! Je n'ai pas vingt Ă©cus Ă  donner. Mais qu'est-ce que vingt Ă©cus pour ce mirliflor qui lorgnait mon baromĂštre comme s'il avait voulu en faire du feu ?En songeant aux consĂ©quences de ce testament de douleur, Grandet Ă©tait peut-ĂȘtre plus agitĂ© que ne l'Ă©tait son frĂšre au moment oĂč il le J'aurais cette robe d'or ?... disait Nanon qui s'endormit habillĂ©e de son devant d'autel, rĂȘvant de fleurs, de tabis, de damas, pour la premiĂšre fois de sa vie, comme EugĂ©nie rĂȘva d' la pure et monotone vie des jeunes filles, il vient une heure dĂ©licieuse oĂč le soleil leur Ă©panche ses rayons dans l'Ăąme, oĂč la fleur leur exprime des pensĂ©es, oĂč les palpitations du coeur communiquent au cerveau leur chaude fĂ©condance, et fondent les idĂ©es en un vague dĂ©sir ; jour d'innocente mĂ©lancolie et de suaves joyeusetĂ©s ! Quand les enfants commencent Ă  voir, ils sourient ; quand une fille entrevoit le sentiment dans la nature, elle sourit comme elle souriait enfant. Si la lumiĂšre est le premier amour de la vie, l'amour n'est-il pas la lumiĂšre du coeur ? Le moment de voir clair aux choses d'ici-bas Ă©tait arrivĂ© pour EugĂ©nie. Matinale comme toutes les filles de province, elle se leva de bonne heure, fit sa priĂšre, et commença l'oeuvre de sa toilette, occupation qui dĂ©sormais allait avoir un sens. Elle lissa d'abord ses cheveux chĂątains, tordit leurs grosses nattes au-dessus de sa tĂȘte avec le plus grand soin, en Ă©vitant que les cheveux ne s'Ă©chappassent de leurs tresses, et introduisit dans sa coiffure une symĂ©trie qui rehaussa la timide candeur de son visage, en accordant la simplicitĂ© des accessoires Ă  la naĂŻvetĂ© des lignes. En se levant plusieurs fois les mains dans de l'eau pure qui lui durcissait et rougissait la peau, elle regarda ses beaux bras ronds, et se demanda ce que faisait son cousin pour avoir les mains si mollement blanches, les ongles si bien façonnĂ©s. Elle mit des bas neufs et ses plus jolis souliers. Elle se laça droit, sans passer d'oeillets. Enfin souhaitant, pour la premiĂšre fois de sa vie, de paraĂźtre Ă  son avantage, elle connut le bonheur d'avoir une robe fraĂźche, bien faite, et qui la rendait attrayante. Quand sa toilette fut achevĂ©e, elle entendit sonner l'horloge de la paroisse, et s'Ă©tonna de ne compter que sept heures. Le dĂ©sir d'avoir tout le temps nĂ©cessaire pour se bien habiller l'avait fait lever trop tĂŽt. Ignorant l'art de remanier dix fois une boucle de cheveux et d'en Ă©tudier l'effet, EugĂ©nie se croisa bonnement les bras, s'assit Ă  sa fenĂȘtre, contempla la cour, le jardin Ă©troit et les hautes terrasses qui le dominaient ; vue mĂ©lancolique, bornĂ©e, mais qui n'Ă©tait pas dĂ©pourvue des mystĂ©rieuses beautĂ©s particuliĂšres aux endroits solitaires ou Ă  la nature inculte. AuprĂšs de la cuisine se trouvait un puits entourĂ© d'une margelle, et Ă  poulie maintenue dans une branche de fer courbĂ©e, qu'embrassait une vigne aux pampres flĂ©tris, rougis, brouis par la saison. De lĂ , le tortueux sarment gagnait le mur, s'y attachait, courait le long de la maison et finissait sur un bĂ»cher oĂč le bois Ă©tait rangĂ© avec autant d'exactitude que peuvent l'ĂȘtre les livres d'un bibliophile. Le pavĂ© de la cour offrait ces teintes noirĂątres produites avec le temps par les mousses, par les herbes, par le dĂ©faut de mouvement. Les murs Ă©pais prĂ©sentaient leur chemise verte, ondĂ©e de longues traces brunes. Enfin les huit marches qui rĂ©gnaient au fond de la cour et menaient Ă  la porte du jardin Ă©taient disjointes et ensevelies sous de hautes plantes comme le tombeau d'un chevalier enterrĂ© par sa veuve au temps des croisades. Au-dessus d'une assise de pierres toutes rongĂ©es s'Ă©levait une grille de bois pourri, Ă  moitiĂ© tombĂ©e de vĂ©tustĂ©, mais Ă  laquelle se mariaient Ă  leur grĂ© des plantes grimpantes. De chaque cĂŽtĂ© de la porte Ă  claire-voie s'avançaient les rameaux tortus de deux pommiers rabougris. Trois allĂ©es parallĂšles, sablĂ©es et sĂ©parĂ©es par des carrĂ©s dont les terres Ă©taient maintenues au moyen d'une bordure en buis, composaient ce jardin que, terminait, au bas de la terrasse, un couvert de tilleuls. A un bout, des framboisiers ; Ă  l'autre, un immense noyer qui inclinait ses branches jusque sur le cabinet du tonnelier. Un jour pur et le beau soleil des automnes naturels aux rives de la Loire commençaient Ă  dissiper le glacis imprimĂ© par la nuit aux pittoresques objets, aux murs, aux plantes qui meublaient ce jardin et la cour. EugĂ©nie trouva des charmes tout nouveaux dans l'aspect de ces choses, auparavant si ordinaires pour elle. Mille pensĂ©es confuses naissaient dans son Ăąme, et y croissaient Ă  mesure que croissaient au-dehors les rayons du soleil. Elle eut enfin ce mouvement de plaisir vague, inexplicable, qui enveloppe l'ĂȘtre moral, comme un nuage envelopperait l'ĂȘtre rĂ©flexions s'accordaient avec les dĂ©tails de ce singulier paysage, et les harmonies de son coeur firent alliance avec les harmonies de la nature. Quand le soleil atteignit un pan de mur, d'oĂč tombaient les Cheveux de VĂ©nus aux feuilles Ă©paisses Ă  couleurs changeantes comme la gorge des pigeons, de cĂ©lestes rayons d'espĂ©rance illuminĂšrent l'avenir pour EugĂ©nie, qui dĂ©sormais se plut Ă  regarder ce pan de mur, ses fleurs pĂąles, ses clochettes bleues et ses herbes fanĂ©es, auxquelles se mĂȘla un souvenir gracieux comme ceux de l'enfance. Le bruit que chaque feuille produisait dans cette cour sonore, en se dĂ©tachant de son rameau, donnait une rĂ©ponse aux secrĂštes interrogations de la jeune fille, qui serait restĂ©e lĂ , pendant toute la journĂ©e, sans s'apercevoir de la fuite des heures. Puis vinrent de tumultueux mouvements d'Ăąme. Elle se leva brusquement, se mit devant son miroir, et s'y regarda comme un auteur de bonne foi contemple son oeuvre pour se critiquer, et se dire des injures Ă  Je ne suis pas assez belle pour lui. Telle Ă©tait la pensĂ©e d'EugĂ©nie, pensĂ©e humble et fertile en souffrances. La pauvre fille ne se rendait pas justice ; mais la modestie, ou mieux la crainte, est une des premiĂšres vertus de l'amour. EugĂ©nie appartenait bien Ă  ce type d'enfants fortement constituĂ©s, comme ils le sont dans la petite bourgeoisie, et dont les beautĂ©s paraissent vulgaires ; mais si elle ressemblait Ă  VĂ©nus de Milo, ses formes Ă©taient ennoblies par cette suavitĂ© du sentiment chrĂ©tien qui purifie la femme et lui donne une distinction inconnue aux sculpteurs anciens. Elle avait une tĂȘte Ă©norme, le front masculin mais dĂ©licat du Jupiter de Phidias, et des yeux gris auxquels sa chaste vie, en s'y portant tout entiĂšre, imprimait une lumiĂšre traits de son visage rond, jadis frais et rose, avaient Ă©tĂ© grossis par une petite vĂ©role assez clĂ©mente pour n'y point laisser de traces, mais qui avait dĂ©truit le veloutĂ© de la peau, nĂ©anmoins si douce et si fine encore que le pur baiser de sa mĂšre y traçait passagĂšrement une marque rouge. Son nez Ă©tait un peu trop fort, mais il s'harmonisais avec une bouche d'un rouge de minium, dont les lĂšvres Ă  mille raies Ă©taient pleines d'amour et de bontĂ©. Le col avait une rondeur parfaite. Le corsage bombĂ©, soigneusement voilĂ©, attirait le regard et faisait rĂȘver ; il manquait sans doute un peu de la grĂące due Ă  la toilette ; mais, pour les connaisseurs, la non-flexibilitĂ© de cette haute taille devait ĂȘtre un charme. EugĂ©nie, grande et forte, n'avait donc rien du joli qui plaĂźt aux masses ; mais elle Ă©tait belle de cette beautĂ© si facile Ă  reconnaĂźtre, et dont s'Ă©prennent seulement les peintre qui cherche ici-bas un type Ă  la cĂ©leste puretĂ© de Marie, qui demande Ă  toute la nature fĂ©minine ces yeux modestement fiers devinĂ©s par RaphaĂ«l, ces lignes vierges souvent dues aux hasards de la conception, mais qu'une vie chrĂ©tienne et pudique peut seule conserver ou faire acquĂ©rir ; ce peintre, amoureux d'un si rare modĂšle, eĂ»t trouvĂ© tout Ă  coup dans le visage d'EugĂ©nie la noblesse innĂ©e qui s'ignore ; il eĂ»t vu sous un front calme un monde d'amour ; et, dans la coupe des yeux, dans l'habitude des paupiĂšres, le je ne sais quoi traits, les contours de sa tĂȘte que l'expression du plaisir n'avait jamais ni altĂ©rĂ©s ni fatiguĂ©s, ressemblaient aux lignes d'horizon si doucement tranchĂ©es dans le lointain des lacs tranquilles. Cette physionomie calme, colorĂ©e, bordĂ©e de lueur comme une jolie fleur Ă©close, reposait l'Ăąme, communiquait le charme de la conscience qui s'y reflĂ©tait, et commandait le regard. EugĂ©nie Ă©tait encore sur la rive de la vie oĂč fleurissent les illusions enfantines, oĂč se cueillent les marguerites avec des dĂ©lices plus tard inconnues. Aussi se dit-elle en se mirant, sans savoir encore ce qu'Ă©tait l'amour - Je suis trop laide, il ne fera pas attention Ă  elle ouvrit la porte de sa chambre qui donnait sur l'escalier, et tendit le cou pour Ă©couter les bruits de la maison. - Il ne se lĂšve pas, pensa-t-elle en entendant la tousserie matinale de Nanon, et la bonne fille allant, venant, balayant la salle, allumant son feu, enchaĂźnant le chien et parlant Ă  ses bĂȘtes dans l'Ă©curie. AussitĂŽt EugĂ©nie descendit et courut Ă  Nanon qui trayait la Nanon, ma bonne Nanon, fais donc de la crĂšme pour le cafĂ© de mon Mais, mademoiselle, il aurait fallu s'y prendre hier, dit Nanon qui partit d'un gros Ă©clat de rire. Je ne peux pas faire de la crĂšme. Votre cousin est mignon, mignon, mais vraiment mignon. Vous ne l'avez pas vu dans sa chambrelouque de soie et d'or. Je l'ai vu, porte du linge fin comme celui du surplis Ă  monsieur le Nanon, fais-nous donc de la Et qui me donnera du bois pour le four, et de la farine, et du beurre ? dit Nanon laquelle en sa qualitĂ© de premier ministre de Grandet prenait parfois une importance Ă©norme aux yeux d'EugĂ©nie et de sa mĂšre. Faut-il pas le voler, cet homme, pour fĂȘter votre cousin ?Demandez-lui du beurre, de la farine, du bois, il est votre pĂšre, il peut vous en donner. Tenez, le voilĂ  qui descend pour voir aux provisions...EugĂ©nie se sauva dans le jardin, tout Ă©pouvantĂ©e en entendant trembler l'escalier sous le pas de son Ă©prouvait dĂ©jĂ  les effets de cette profonde pudeur et de cette conscience particuliĂšre de notre bonheur qui nous fait croire, non sans raison peut-ĂȘtre, que nos pensĂ©es sont gravĂ©es sur notre front et sautent aux yeux d'autrui. En s'apercevant enfin du froid dĂ©nĂ»ment de la maison paternelle, la pauvre fille concevait une sorte de dĂ©pit de ne pouvoir la mettre en harmonie avec l'Ă©lĂ©gance de son cousin. Elle Ă©prouva un besoin passionnĂ© de faire quelque chose pour lui quoi ? elle n'en savait rien. NaĂŻve et vraie, elle se laissait aller Ă  sa nature angĂ©lique sans se dĂ©fier ni de ses impressions, ni de ses sentiments. Le seul aspect de son cousin avait Ă©veillĂ© chez elle les penchants naturels de la femme, et ils durent se dĂ©ployer d'autant plus vivement, qu'ayant atteint sa vingt-troisiĂšme annĂ©e, elle se trouvait dans la plĂ©nitude de son intelligence et de ses dĂ©sirs. Pour la premiĂšre fois, elle eut dans le coeur de la terreur Ă  l'aspect de son pĂšre, vit en lui le maĂźtre de son sort, et se crut coupable d'une faute en lui taisant quelques pensĂ©es. Elle se mit Ă  marcher Ă  pas prĂ©cipitĂ©s en s'Ă©tonnant de respirer un air plus pur, de sentir les rayons du soleil plus vivifiants, et d'y puiser une chaleur morale, une vie nouvelle. Pendant qu'elle cherchait un artifice pour obtenir la galette, il s'Ă©levait entre la Grande Nanon et Grandet une de ces querelles aussi rares entre eux que le sont les hirondelles en hiver. Muni de ses clefs, le bonhomme Ă©tait venu pour mesurer les vivres nĂ©cessaires Ă  la consommation de la Reste-t-il du pain d'hier ? dit-il Ă  Pas une miette, prit un gros pain rond, bien enfarinĂ©, moulĂ© dans un de ces paniers plats qui servent Ă  boulanger en Anjou, et il allait le couper, quand Nanon lui dit - Nous sommes cinq, aujourd'hui, C'est vrai, rĂ©pondit Grandet, mais ton pain pĂšse six livres, il en restera. D'ailleurs, ces jeunes gens de Paris, tu verras que ça ne mange point de Ça mangera donc de la frippe, dit Anjou, la flippe, mot du lexique populaire, exprime l'accompagnement du pain, depuis le beurre Ă©tendu sur la tartine, frippe vulgaire, jusqu'aux confitures d'alleberge, la plus distinguĂ©e des frippes ; et tous ceux qui, dans leur enfance, ont lĂ©chĂ© la frippe et laissĂ© le pain, comprendront la portĂ©e de cette Non, rĂ©pondit Grandet, ça ne mange ni frippe, ni pain. Ils sont quasiment comme des filles Ă  aprĂšs avoir parcimonieusement ordonnĂ© le menu quotidien, le bonhomme allait se diriger vers son fruitier, en fermant nĂ©anmoins les armoires de sa dĂ©pense, lorsque Nanon l'arrĂȘta pour lui dire - Monsieur, donnez-moi donc alors de la farine et du beurre, je ferai une galette aux Ne vas-tu pas mettre la maison au pillage Ă  cause de mon neveu ?- Je ne pensais pas plus Ă  votre neveu qu'Ă  votre chien, pas plus que vous n'y pensez vous-mĂȘme. Ne voilĂ -t-il pas que vous ne m'avez aveint que six morceaux de sucre, m'en faut Ha çà, Nanon, je ne t'ai jamais vue comme qui te passe donc par la tĂȘte ? Es-tu la maĂźtresse ici ? Tu n'auras que six morceaux de Eh bien, votre neveu, avec quoi donc qu'il sucrera son cafĂ© ?- Avec deux morceaux, je m'en passerai, Vous vous passerez de sucre, Ă  votre Ăąge ! j'aimerais mieux vous en acheter de ma MĂȘle-toi de ce qui te la baisse du prix, le sucre Ă©tait toujours, aux yeux du tonnelier, la plus prĂ©cieuse des denrĂ©es coloniales, il valait toujours six francs la livre, pour de le mĂ©nager, prise sous l'Empire, Ă©tait devenue la plus indĂ©lĂ©bile de ses habitudes. Toutes les femmes, mĂȘme la plus niaise, savent ruser pour arriver Ă  leurs fins, Nanon abandonna la question du sucre pour obtenir la Mademoiselle, cria-t-elle par la croisĂ©e, est-ce pas que vous voulez de la galette ?- Non, non, rĂ©pondit Allons, Nanon, dit Grandet en entendant la voix de sa fille, tiens. Il ouvrit la mette oĂč Ă©tait la farine, lui en donna une mesure, et ajouta quelques onces de beurre au morceau qu'il avait dĂ©jĂ  Il faudra du bois pour chauffer le four, dit l'implacable Eh bien, tu en prendras Ă  ta suffisance, rĂ©pondit-il mĂ©lancoliquement, mais alors tu nous feras une tarte aux fruits, et tu nous cuiras au four tout le dĂźner ; par ainsi, tu n'allumeras pas deux Quien ! s'Ă©cria Nanon, vous n'avez pas besoin de me le dire. Grandet jeta sur son fidĂšle ministre un coup d'oeil presque Mademoiselle, cria la cuisiniĂšre, nous aurons une galette. Le pĂšre Grandet revint chargĂ© de ses fruits, et en rangea une premiĂšre assiettĂ©e sur la table de la cuisine. - Voyez donc, monsieur, lui dit Nanon, les jolies bottes qu'a votre neveu. Quel cuir, et qui sent bon. Avec quoi que ça se nettoie donc ? Faut-il y mettre de votre cirage Ă  l' Nanon, je crois que l'oeuf gĂąterait ce cuir-lĂ . D'ailleurs, dis-lui que tu ne connais point la maniĂšre de cirer le maroquin, oui, c'est du maroquin, il achĂštera lui mĂȘme Ă  Saumur et t'apportera de quoi illustrer ses bottes. J'ai entendu dire qu'on fourre du sucre dans leur cirage pour le rendre C'est donc bon Ă  manger, dit la servante en ponant les bottes Ă  son nez. Tiens, tiens, elles sentent l'eau de Cologne de madame. Ah ! c'est-il DrĂŽle ! dit le maĂźtre, tu trouves drĂŽle de mettre Ă  des bottes plus d'argent que n'en vaut celui qui les Monsieur, dit-elle au second voyage de son maĂźtre qui avait fermĂ© le fruitier, est-ce que vous ne mettrez pas une ou deux fois le pot-au-feu par semaine Ă  cause de votre... ?- Faudra que j'aille Ă  la Pas du tout ; tu nous feras du bouillon de volaille, les fermiers ne t'en laisseront pas chĂŽmer. Mais je vais dire Ă  Cornoiller de me tuer des corbeaux. Ce gibier-lĂ  donne le meilleur bouillon de la C'est-y vrai, monsieur, que ça mange les morts ?- Tu es bĂȘte, Nanon ! ils mangent, comme tout le monde, ce qu'ils trouvent. Est-ce que nous ne vivons pas des morts ? Qu'est-ce donc que les successions ? Le pĂšre Grandet, n'ayant plus d'ordre Ă  donner, tira sa montre ; et, voyant qu'il pouvait encore disposer d'une demi-heure avant le dĂ©jeuner, il prit son chapeau, vint embrasser sa fille, et lui dit - Veux-tu te promener au bord de la Loire sur mes prairies ? j'ai quelque chose Ă  y alla mettre son chapeau de paille cousue, doublĂ© de taffetas rose ; puis, le pĂšre et la fille descendirent la rue tortueuse jusqu'Ă  la OĂč dĂ©vallez-vous donc si matin ? dit le notaire Cruchot qui rencontra Voir quelque chose, rĂ©pondit le bonhomme sans ĂȘtre la dupe de la promenade matinale de son le pĂšre Grandet allait voir quelque chose, le notaire savait par expĂ©rience qu'il y avait toujours quelque chose Ă  gagner avec lui. Donc il l' Venez, Cruchot ? dit Grandet au notaire. Vous ĂȘtes de mes amis, je vais vous dĂ©montrer comme quoi c'est une bĂȘtise de planter des peupliers dans de bonnes terres...- Vous comptez donc pour rien les soixante mille francs que vous avez palpĂ©s pour ceux qui Ă©taient dans vos prairies de la Loire, dit maĂźtre Cruchot en ouvrant des yeux hĂ©bĂ©tĂ©s. Avez-vous eu du bonheur ?... Couper vos arbres au moment oĂč l'on manquait de bois blanc Ă  Nantes, et les vendre trente francs !EugĂ©nie Ă©coutait sans savoir qu'elle touchait au moment le plus solennel de sa vie, et que le notaire allait faire prononcer sur elle un arrĂȘt paternel et Ă©tait arrivĂ© aux magnifiques prairies qu'il possĂ©dait au bord de la Loire, et oĂč trente ouvriers s'occupaient Ă  dĂ©blayer, combler, niveler les emplacements autrefois pris par les MaĂźtre Cruchot, voyez ce qu'un peuplier prend de terrain, dit-il au notaire. Jean, cria-t-il Ă  un ouvrier, me... me... mesure avec ta toise dans tou... tou... tous les sens ?- Quatre fois huit pieds, rĂ©pondit l'ouvrier aprĂšs avoir Trente-deux pieds de perte, dit Grandet Ă  Cruchot. J'avais sur cette ligne trois cents peupliers, pas vrai ? Or... trois ce... ce... ce... cent fois trente-d...eux pie... pieds me man... man... man... mangeaient cinq... cinq cents de foin ; ajoutez deux fois autant sur les cĂŽtĂ©s, quinze cents ; les rangĂ©es du milieu autant. Alors, mĂ©... mĂ©... mettons mille bottes de Eh bien, dit Cruchot pour aider son ami, mille bottes de ce foin-lĂ  valent environ six cents Di... di... dites dou... ou... ouze cents Ă  cause des trois Ă  quatre cents francs de regain . Eh bien, ca... ca... ca... calculez ce que que que dou... ouze cents francs par an pen... pen... pendant quarante ans do... donnent a...a... avec les in... in... intĂ©rĂȘts com... com... composĂ©s que que que vouous Va pour soixante mille francs, dit le Je le veux bien ! ça ne ne ne fera que que que soixante mille francs. Eh ! bien, reprit le vigneron sans bĂ©gayer, deux mille peupliers de quarante ans ne me donneraient pas cinquante mille francs. Il y a perte. J'ai trouvĂ© ça, moi, dit Grandet en se dressant sur ses reprit-il, tu combleras les trous, exceptĂ© du cĂŽtĂ© de la Loire, oĂč tu planteras les peupliers que j'ai les mettant dans la riviĂšre, ils se nourriront aux frais du gouvernement, ajouta-t-il en se tournant vers Cruchot et imprimant Ă  la loupe de son nez un lĂ©ger mouvement qui valait le plus ironique des Cela est clair les peupliers ne doivent se planter que sur les terres maigres, dit Cruchot stupĂ©fait par les calculs de O-u-, monsieur, rĂ©pondit ironiquement le qui regardait le sublime paysage de la Loire sans Ă©couter les calculs de son pĂšre, prĂȘta bientĂŽt l'oreille aux discours de Cruchot en l'entendant dire Ă  son client - HĂ© bien, vous avez fait venir un gendre de Paris, il n'est question que de votre neveu dans tout Saumur. Je vais bientĂŽt avoir un contrat Ă  dresser, pĂšre Vous... ou... vous ĂȘtes so... so... orti de bo... bonne heure poocur me dire ça, reprit Grandet en accompagnant cette rĂ©flexion d'un mouvement de sa loupe. HĂ© bien, mon vieux camaaaarade, je serai franc, et je vous dirai ce que vooous voooulez sa savoir. J'aimerais mieux, voyez-vooous, je... jeter ma fi... fi fille dans la Loire que de la dooonner Ă  son cououousin vous pou...pou... ouvez aaannoncer ça. Mais non, laissez jaaser le le mon... InLibroVeritas Retour Ă  la rubrique feuilletons Retour au menu PHOTOS- Comment porter le chapeau en paille, l'accessoire phare de l'Ă©tĂ© 2019, comme Meghan Markle ou Cristina Cordula ? Cet Ă©tĂ©, pas question de ne PAS se protĂ©ger du soleil. Oui, il faut se mettre de la crĂšme solaire, mais j’aime bien aussi porter des morceaux qui protĂšgent tout en Ă©tant cutes. À mon avis, le chapeau de paille est idĂ©al, car il peut Ă  la fois rehausser un look estival et protĂ©ger votre beau visage. Rien de mieux! Il existe une panoplie de formes de chapeaux de paille qui sont vraiment tendance cet Ă©tĂ© le canotier, le Borsalino, la cloche, le floppy, le chapeau de cowboy et plein d’autres. Chaque chapeau apporte une touche toujours intĂ©ressante Ă  chaque outfit. De quoi s’amuser cet Ă©tĂ©! Voici une sĂ©lection de chapeaux qui vous charmeront certainement Êtes-vous inspirĂ©e? Vous pouvez porter ces chapeaux en tout temps. Il suffit de les agencer avec vos morceaux prĂ©fĂ©rĂ©s de l'Ă©tĂ©, comme le jeans boyfriend, la robe maxi, le short, la salopette, la jupe patineuse, la jupe-culotte, etc. Les possibilitĂ©s sont infinies! Osez, vous verrez! Êtes-vous prĂȘtes Ă  adopter le chapeau de paille Ă  votre garde-robe? FITBOChapeau de Soleil for Femmes 14 cm Big Largeur Paille de Plage Paille Lady Bowler Robe Church Charme SUMBER PALIBLE One SILLE (Color : Natural, Size : One Size) : Amazon.fr: VĂȘtements
C’est en 1796 que PĂ©tronille Cantecor, bergĂšre de son Ă©tat confectionne pour la premiĂšre fois un chapeau Ă  base de paille. Sa crĂ©ation rencontre un succĂšs fulgurant, point de dĂ©part d’une industrie chapeliĂšre florissante qui s’établit dĂšs 1798. Le succĂšs populaire du canotier remonte Ă  l’époque de NapolĂ©on III qui dĂ©veloppe une politique en faveur du tourisme, des loisirs et tout particuliĂšrement de la pratique du canoe sur les riviĂšres de France. Dans les annĂ©es 1840, la prĂ©fecture mairie de Paris autorise la circulation des canots sur la Seine. Ces petites embarcations Ă  rame ou Ă  voile deviennent vite Ă  la mode. Quant aux canotiers ils se distinguent par le port d’un chapeau de paille de forme bien particuliĂšre pour se protĂ©ger du soleil. Avec leurs frĂȘles embarcations ils mĂšnent leurs passagers sur la Seine ou les bords de Marne vers les guinguettes, les nouveaux lieux de dĂ©tente voire d’encanaillage installĂ©es sur les rives tandis que se dĂ©veloppe la pratique des rĂ©gates. AssociĂ© aux loisirs et aux plaisirs de ce temps, le canotier devient vite objet de mode. Les peintres de l’époque s’en saisissent pour traduire l’atmosphĂšre de cette fin de 19Ăšme siĂšcle. Ainsi Renoir qui peindra Ă  plusieurs reprise des toiles sur le thĂšme du canotier Le DĂ©jeuner des canotiers, les canotiers Ă  Chatou ou encore la GrenouillĂšre
 Dans les stades et autres lieux de pratique sportive, le public prend l’habitude d’assister aux compĂ©titions avec un canotier sur la tĂȘte. Au dĂ©part emblĂšme masculin, le canotier se fĂ©minise Ă  travers l’activitĂ© sportive de ces dames qui se plaisent Ă  pratiquer le vĂ©lo ou l’équitation avec un canotier. Le canotier ne passera pas de mode avec l’arrivĂ©e du 20Ăšme siĂšcle bien au contraire ! Au siĂšcle dernier, le monde de la chanson et du spectacle s’empare du canotier. Son plus cĂ©lĂšbre ambassadeur est bien sĂ»r Maurice Chevalier. Mais le chapeau franchit allĂšgrement l’atlantique avec Buster Keaton mais surtout Fred Astaire qui en fera l’accessoire indispensable de son look. De son cĂŽtĂ©, COCO Chanel portera le canotier au dĂ©but du 20 Ăšme siĂšcle en emblĂšme des femmes libĂ©rĂ©es des traditionnels chapeaux voyants et encombrants. Parmi les artistes ayant aussi portĂ© le canotier citons, Roger Pierre, Jean Marc Thibault, ou encore Mireille Mathieu. De nos jours le canotier a toute sa place dans les accessoires de mode. On le retrouve frĂ©quemment durant les fashion weeks dans les dĂ©filĂ©s de Haute couture. De la deuxiĂšme moitiĂ© du XIX Ă©me siĂšcle Ă  nos jours, le chapeau de paille se porte de PĂąques Ă  novembre comme chapeau d’étĂ©, en Europe comme aux USA.
Concerts La clique costarmorigĂšne de 12 h Ă  13 h. Ça va sonner, tambouriner et danser avec cette formation et ses clarinettes Ă  fleurs, tambours Ă  lunettes de soleil, trompettes Ă  chapeau Contact us now for more info about our products. Return purchased items and get all your money back. Buy this product and earn 10 special loyalty points! Commentaires Mots clĂ©s du produit Commentaires Commentaires des clients 1 Quality Value Price Review by Evan Bell PostĂ© le 18/11/19 RĂ©digez votre propre commentaire Mots clĂ©s du produit Mots clĂ©s du produit Utilisez un espace pour sĂ©parer les mots clĂ©s. Utilisez l'apostrophe ' pour rĂ©diger une phrase. Vous pourriez Ă©galement ĂȘtre intĂ©ressĂ© par les produits suivants 8UX9. 290 433 418 370 26 191 166 313 212

chapeau de paille porte au temps des guinguette